Le dimanche 31 août, le Président béninois, Patrice Talon, a fait d’une réalité, ce qui était considéré jusqu’à présent comme une vue de l’esprit, un bluff. La majorité présidentielle, composée de l’Union Progressiste pour le Renouveau et le Bloc Républicain, a désigné son candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2026. Il s’agit de Romuald Wadagni, ministre d’Etat, chargé de l’Économie, des Finances et de la Coopération depuis 2016, donc dès l’arrivé de Talon au pouvoir.

C’est un fidèle parmi les fidèles du Président béninois. Ce brillant expert-comptable, diplômé des Universités françaises et de l’Université américaine de Harvard, a été l’un des principaux artisans de l’élection de Patrice Talon avant de devenir l’architecte de toutes les réformes économiques et financières du pays. On lui doit aussi le développement des nombreuses infrastructures des années Talon.

La désignation de Romuald Wadagni pour défendre les couleurs de la majorité présidentielle met fin à une longue période d’expectative alimentée par les promesses du chef de l’Etat de ne pas briquer un troisième mandat. De tels engagements pris çà et là, en Afrique, sont régulièrement reniés par ceux-là mêmes auxquels ils devraient s’imposer. Nombreux ont donc été les incrédules et les dubitatifs face à ses promesses.

La déclaration de la majorité a sans doute fait l’effet d’une agréable surprise dans l’opposition mais aussi dans tout le Bénin, voire partout en Afrique. Il suffit d’observer ce qui se passe actuellement en côte d’Ivoire pour comprendre l’émoi né du respect par le Président Talon de la parole donnée.

Ouattara, l’anti-Talon

Sur les berges de la Lagune Ebrié, le Président Alassane Ouattara n’a de cesse de tergiverser sur ses intentions électorales et de ruser avec les textes juridiques (code électoral, liste électorale, constitution) pour s’éterniser au pouvoir. Lui, il n’a que faire de la parole donnée. En effet, il a plus d’une fois pris l’engagement de ne plus briguer de mandat, compte tenu de son âge. Mais il s’est aussitôt déjugé en arguant des raisons fallacieuses (décès des dauphins). Il est l’anti-Talon.

La posture du Président béninois est un véritable faisceau lumineux de démocratie dans d’épaisses ténèbres d’obscurantisme. Elle réjouit les démocrates africains qui demeurent confiants qu’elle inspirera d’autres dirigeants africains et contribuera à la promotion et à l’enracinement de la démocratie en Afrique. Aujourd’hui, force est d’admettre qu’on n’est encore bien loin d’avoir doté nos États d’une solide culture démocratique, imprimé à nos pratiques politiques des habitudes démocratiques. L’exemple du Bénin reste et restera encore pendant longtemps isolé. Des émules, il en fera certainement peu. Même Madiba n’en a quasiment pas fait, en dépit de l’éclat de son exemple. Au Togo, pays voisin, n’a-t-on pas assisté à une succession dynastique du pouvoir ?

On peut craindre que le choix de Wadagni par un comité restreint ne suscite frustration et aigreur dans la majorité présidentielle qui peut éclater et fournir à Patrice Talon un alibi pour revenir sur sa décision.

Abraham K. Doré