Le référendum a eu lieu ce week-end. Enfin… « eu lieu », façon de parler. Parce que dans ce pays, les résultats sont comme les films nigérians : on devine la fin dès le premier quart d’heure.

Les Guinéens, devenus de fins philosophes, ne votent plus pour les perdants. Ils votent pour l’équipe au pouvoir, comme ces arbitres de la CAF qui sifflent toujours pour l’équipe à domicile. On Chen fout ! La vérité, c’est que l’urne n’a plus besoin de bulletins : une boule de cristal suffirait. Tu la poses sur la table, tu fermes les yeux, et hop ! tu connais déjà le score final : victoire écrasante, participation massive, adhésion unanime. Hé Kéla !

Et le peuple, habitué à ces tours de magie, regarde la scène comme on regarde un vieux film déjà vu cent fois. Personne ne s’étonne, personne ne proteste : certains applaudissent, d’autres baillent, la plupart vaquent à leurs affaires. Car ici, la démocratie est une cérémonie où tout le monde sait qui va danser, mais où l’on applaudit quand même, pour sauver les apparences. Wallahi !

Le référendum ? C’est une pièce de théâtre où les acteurs ont appris leurs répliques d’avance, où le public fait semblant d’être surpris, et où la seule inconnue reste le nombre exact de décimales qu’on collera au pourcentage final. À fakoudou !

Avec le “Oui” massif qui se profile à l’horizon, préparez vos oreilles : la cacophonie va être plus bruyante que la circulation à Madina. Dans ce pays, tout le monde soutient tout le monde… sauf le peuple, qui ne soutient que sa faim. À fakoudou !

Les mouvements de soutien vont surgir de partout, comme des champignons après la pluie : Association des Amis du Oui, Collectif des Amoureux du Oui, Union des compagnons du Oui… et même le Club des Anciens Opposants repentis, recyclés en griots de circonstance. Wallahi !

Et chacun viendra réclamer sa part du gâteau comme un héritier tardif. Car comme disait John Kennedy : « La victoire a cent pères, seule la défaite est orpheline ». Ici, la victoire aura même mille pères, deux mille parrains, et quelques tontons de plus pour en rajouter. La défaite, elle, restera seule au cimetière, abandonnée avec un cercueil sans planches.

Pendant ce temps, le peuple — ventre vide, regard creux — restera l’orphelin de la victoire en perspective. Il n’a pas de parrain, pas de soutien, pas de club de fans. Il n’a que son riz et son haricot, son plat d’Attiéké, son riz sauce mélange, et son rire jaune pour applaudir cette victoire des autres. On Chen fout !

Il y avait quelqu’un qui disait :

  • À quand la fin du monde ?

Une question aussi bizarre que celui qui l’avait posée. Le mec, poids plume mais solide comme un morceau de bambou, avança au milieu de l’assemblée des ivrognes, le pas vacillant mais l’œil lucide comme une lampe-tempête au fond d’une cour.

Il lâcha sa part de vérité avant de disparaître dans une ruelle clair-obscur :

  • La prospérité telle que nous la rêvons, ce n’est pas pour bientôt. Cherchez-en vers la fin des temps !

Et tout le monde se tut, la bouteille suspendue, le verre figé, comme si le vin de palme venait d’avaler la langue des buveurs.

La prospérité, cette grande sœur toujours promise, s’est encore échappée par la fenêtre, voilée comme une mariée capricieuse.

Chaque régime politique la courtise, chaque discours la fiance, mais le mariage est toujours reporté — faute de dot, faute de témoins, faute de vérité.

Alors, mes chers amis, nous buvons la misère au goulot et nous appelons ça “période transitoire”. Nous mâchons la poussière et nous l’appelons “perspectives”.

Nous portons des haillons et nous les baptisons “tenues d’avenir”. À fakoudou !

Wallahi ! Si la prospérité doit vraiment venir à la fin des temps, alors autant dire qu’on a déjà payé le ticket pour la galère éternelle. On Chen fout !

Et dans le cabaret, les ivrognes philosophes levaient leurs pots comme des trophées.

  • On boit pour noyer les soucis ! — criaient-ils en chœur. Hé Kéla !

Wallahi, les soucis avaient pris goût à l’eau-de-vie : ils nageaient, ils sautaient, ils faisaient des pirouettes dans les verres. Chaque gorgée multipliait les tracas, et chaque rire étouffait un peu plus la lucidité.

La prospérité, elle, restait cachée derrière le rideau de fumée, regardant ces champions du dernier verre courir après le vide. À fakoudou !

Ici, boire pour oublier, c’est comme creuser un puits dans le sable : tu finis toujours trempé, fatigué, et le fond reste vide.

Le pays n’a pas besoin de soûlards pour se développer. Wallahi ! Les ivrognes, avec leurs pots levées et leurs discours vaseux, ne font que répéter les mêmes pirouettes depuis des lustres.

L’avenir, lui, n’est pas dupe : il a décidé de leur jouer de vilains tours, de les surprendre quand ils s’y attendent le moins, de leur retirer le tapis sous les pieds alors qu’ils dansent encore sur les musiques du passé. Hé Kéla !

Et pendant qu’ils trinquent à leurs illusions, le vrai progrès se glisse silencieusement, discret comme un chat barbu, dans les quartiers, les collectivités, les centres urbains et les mains qui veulent vraiment construire. À fakoudou !

J’avais pris mon taxi pour rentrer. Ou plutôt c’est le taxi qui m’avait pris. Mais ce taxi n’était pas seulement un taxi : il était la métaphore nationale, un résumé de toute la Guinée en quatre roues cabossées.

Le chauffard me dit sans trembler que « ce siège est pour deux passagers ». Et moi, pauvre client, je m’écrase, je me replie, je respire à moitié… mais je paie le tronçon entier. Hé Kéla !

Mon ami, et tu crois que cette petite déviance quotidienne s’arrête au carrefour ? Non ! Elle grimpe les étages, elle traverse les bureaux, elle s’installe au sommet de l’État comme une invitée de marque.

Si tous les maçons construisent des murs de travers, si tous les boutiquiers trichent sur la mesure du riz, si tous les enseignants ferment les yeux sur les copies blanches, alors pourquoi s’étonner que nos dirigeants dirigent de travers ?

Wallahi ! Le peuple reproche à ses gouvernants ce qu’il pratique lui-même chaque jour :

  • Le mensonge ? C’est devenu condiment national.
  • La débrouille ? C’est une religion sans imam.
  • La tricherie ? C’est l’examen d’entrée à la vie guinéenne. À fakoudou !

On se scandalise des grandes corruptions, mais on applaudit nos petites combines, comme si la morale avait deux tailles : XXL pour les ministres, S pour les citoyens. Et voilà pourquoi nos présidents sont toujours des chauffards déguisés, qui garent la Guinée dans des caniveaux politiques, pendant que le peuple, tassé à l’arrière, continue d’applaudir le miracle de rouler sans essence. On Chen fout !

La vérité, c’est qu’on a les dirigeants qu’on fabrique dans nos propres ateliers de tricherie. À fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

En Guinée, tout le monde est pressé… sauf le temps.

Les horloges tournent, les aiguilles courent, mais la vie, elle, reste au point mort, assise sur un banc à siroter la boue ou la poussière.

Wallahi ! Le vrai miracle, ce n’est pas que tout avance lentement, mais que chacun continue de croire que demain sera un peu plus doux.

Pendant que tout le monde croit à un doux lendemain, le temps, lui, fait la sieste et ronfle sur le comptoir. À fakoudou !

SD