Le Président français, Emmanuel Macron, est en train de battre tous les records d’instabilité gouvernementale de la 5ème République. À mi-parcours de son second mandat, il vient de désigner son 6ème Premier ministre, Sébastien Lecornu, après le renvoi de son prédécesseur François Bayrou par les dépités, à la suite d’une motion de censure. Ce tout nouveau Premier ministre n’est d’ailleurs pas à l’abri d’un renversement tant la situation politique, économique du pays est préoccupante. Les rapports de force politiques sont erratiques, la dette souveraine abyssale, le budget 2026 déséquilibré. Ces indicateurs montrent la fragilité de la position de Sébastien Lecornu. La question n’est pas tant de savoir s’il va choir que quand mordra-t-il la poussière. La fin de la Macronie rappelle étrangement la 4ème République. Du fond de son caveau familial, à Colombey les Deux Eglises, Charles de Gaulle, une larme à l’œil, a dû se retourner plus d’une fois et pousser un cri de désespoir : « Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! »
Lorsque les vicissitudes de la guerre d’Algérie ramènent le Général de Gaulle au pouvoir, au mois de mai 1958, la gouvernance de la France n’est pas à son goût. Il ne souffre pas et n’entend pas souffrir de l’intolérable déséquilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire consacré par la 4ème République. Il faut rappeler qu’à cette époque, la réalité des pouvoirs étatiques est au Palais Bourbon et non à L’Élysée. Le président de la République n’a qu’un rôle : inaugurer les chrysanthèmes. Les députés éconduisent à leur guise et selon leur humeur, nonobstant l’opinion du Président de la République, le Président du Conseil de gouvernement appelé plus tard Premier ministre. Le Général de Gaulle auréolé de hauts faits de guerre ne peut accepter ce rôle cosmétique. Après sa nomination par le Président René Coty, le 1er juin 1958, il refuse avec mépris et dédain de se soumettre à la séance de lecture traditionnelle de Politique générale devant les députés. Avant d’enfiler l’habit de président de la République, il préconise un équilibre entre les pouvoirs du Président de la République et ceux du Parlement, ce qui implique de profondes réformes constitutionnelles. Dans ce sens, il fait élaborer une nouvelle constitution prévoyant l’élection du Président de la République au suffrage universel.
D’où la désignation du Président de la République et celle des parlementaires dépendent de l’onction populaire. Le projet de constitution est adopté par référendum le 28 septembre 1958. Au terme de ce processus, de Gaulle est élu au suffrage universel Président de la République le 21 décembre 1958. C’est le début de la 5ème République, dominé par un régime présidentiel fort. Elle est porteuse du genre de gouvernance qui convient à Charles de Gaulle, chef de guerre, pétri de noblesse, imbu de sa personne et de l’idée d’une France puissante et dominatrice.
Le caractère trempé de de Gaulle et sa vision du monde ne pouvaient s’accommoder des turpitudes de la 4ème République, dominée par des combines politiciennes. Sollicité pour sortir la France de l’ornière de la guerre d’Algérie, le Général de Gaulle se retrouve dans un dilemme. Il a choisi de débarrasser la France de la 4ème République qui, hélas, revient au trot.
Abraham Kayoko Doré



