Au lendemain de l’ouverture de la campagne référendaire, les tendances politiques se précisent. L’opposition est partagée entre le boycott et le vote pour le NON au projet de nouvelle Constitution.
A moins de trois semaines du scrutin référendaire du 21 septembre, les partisans de la nouvelle loi fondamentale se mobilisent. Mais ceux du NON ne comptent, eux aussi, pas rester en marge. Le 1er septembre, le Bloc libéral a animé un point-presse à la Maison commune des journalistes, pour appeler les Guinéens à voter massivement NON à la nouvelle Constitution. Pour justifier la position du parti, son président, Faya Millimouno, avance l’argument selon lequel le texte qui sera soumis à référendum engendrerait plus de problèmes à la Guinée qu’il n’en résoudrait : « Les institutions républicaines, on en a à foison. Il y en a même certaines qui sont catégorisées autorités administratives indépendantes. »
L’opposant s’insurge aussi contre les pouvoirs qu’il juge exorbitants attribués au Président de la République : « Quand vous lisez tous les pouvoirs donnés au Président, comparez-les au pouvoir d’un monarque. Dans une monarchie absolue, le Président guinéen a plus de pouvoirs. » Faya Millimouno redoute qu’avec de tels pouvoirs, le Président de la République, qui nomme aux fonctions civiles et militaires, privilégie uniquement ceux qui lui prêtent allégeance : « Quand vous êtes insulteur public sur les réseaux sociaux, vous serez bien à être nommé. »
« Un parjure »
Les partisans du OUI à la nouvelle Constitution assurent que celle-ci garantit les droits et libertés fondamentales. Le président du BL, lui, voit dans le texte des subtilités qui permettraient aux autorités de les violer à tout moment : « Si vous ne lisez pas entre les lignes, vous avez l’impression que les droits et libertés, tels qu’énoncés dans les constitutions passées, le sont aussi dans ce projet. Non ! Lisez avec attention, vous comprendrez que c’est cadenassé. » Le conférencier alerte notamment la presse privée qui serait menacée : « Si elle passe, beaucoup d’entre vous, journalistes, seront obligés d’aller au Sénégal, en Sierra-Leone ou au Liberia pour exercer de façon indépendante, professionnelle. »
A sa prestation de serment en octobre 2021, le Président de la transition avait déclaré que ni lui ni les membres du CNRD, encore moins les membres du gouvernement ne se présenteraient à une élection. Affirmation qu’il a réitérée à plusieurs autres occasions. Mais sa candidature à la prochaine présidentielle n’est plus qu’un secret de polichinelle. Et la nouvelle Constitution ne le lui interdit pas. Un parjure, selon Faya millimouno : « Les dispositions de la Charte de la transition lui interdisant de se présenter devraient être reportées ici. Ça veut dire que le fait qu’on n’ait pas reporté ces dispositions-là ici, c’est faire exactement ce qu’Alpha Condé a fait en 2020. Il n’y a aucune différence. C’est un autre coup d’État constitutionnel qui est en téléchargement. Nous, au BL, nous condamnons cela. Nous ne l’accepterons jamais. Cette Constitution garantit le parjure. » Faya Millimouno craint également que la future Constitution ne donne carte blanche aux nouvelles autorités pour liquider les partis politiques encombrants : « On est maintenant sous tutelle. On peut, avec des aménagements, avec un langage très flou, dire que vous êtes suspendus. »
Boycotter plutôt que cautionner « la mascarade »
Contrairement à la position du Bloc libéral, les Forces vives de Guinée, organisation dont la plupart des leaders sont soit en détention soit en exil, vont appeler leurs partisans à ignorer royalement le référendum du 21 septembre. Un boycott qui pourrait décrédibiliser les résultats du scrutin. Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée, contacté par notre rédaction, indique que la position « de l’UFDG, de l’ANAD [Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie, formée autour de l’UFDG] et des FVG [Forces vives de Guinée, une plateforme de partis et d’ONG opposés au pouvoir] est de ne pas s’associer à cette mascarade de référendum. »
L’opposant en exil trouve que les conditions d’un « scrutin juste ne sont pas réunies. » Cellou Dalein Diallo dit que son parti n’a rien à faire dans un scrutin organisé par le général Ibrahima Kalil Condé, ministre de l’Administration du terroir et de la décentralisation, « appuyé de ses préfets, tous militaires, des sous-préfets, des présidents de Délégations spéciales, des chefs de quartiers et de districts, tous nommés par Mamadi Doumbouya ou ses administrateurs territoriaux, en raison de leur adhésion au maintien au pouvoir du Chef de la junte. »
Le président de l’UFDG est convaincu que les dés sont déjà pipés : « Les résultats proclamés ne pourront être qu’un oui massif pour légitimer la candidature de Mamadi Doumbouya et la commission du parjure. Notre consigne est donc de ne pas s’associer à cette mascarade d’autant plus qu’on n’a été associé à aucune étape du processus, même pas à la création du fichier électoral. Dénoncer des fraudes après le référendum ne sera interprété que comme de la mauvaise foi et un argument habituel de perdants. »
Même son de cloche chez Mohamed Lamine Kamissoko, membre du bureau politique du RPG arc-en-ciel : « Ils ont voulu faire ça en catimini, on les laisse proclamer les résultats qu’ils veulent. Les Guinéens connaissent l’issue de cette élection. »
Yacine Diallo