Mes chers amis, au Lynx, on a été cambriolé ! Oui, cambriolé, pas corrigé ! Des pièces importantes de notre imprimerie ont disparu, envolées comme les promesses d’après-campagne. Qui veut nous faire taire en volant notre matériel ? Peut-être un gugusse qu’on a trop fait rire ? Ou un politicien qu’on a décrit trop fidèlement ? Hé Kéla ! Moi-même, depuis ce jour, je n’ai pas retrouvé mes oreilles : elles ont fui en entendant le bruit des voleurs ! On dit qu’elles courent encore quelque part entre Kaloum et Madina, criant : « Sauve qui peut, on imprime la vérité ! » À fakoudou !

Wallahi, la satire nationale est en danger – mais rassurez-vous, nous, on continue d’écrire… même si c’est à la main, sur des feuilles de manioc !

Si notre démocratie était une montre, la pile aurait déjà rendu l’âme ! À fakoudou ! Faut-il refaire notre calendrier politique? Chaque mois aurait désormais trois dimanches et un discours. Les jours fériés sont ceux où l’on attendrait les clarifications. Hé Kéla !

La présidentielle guinéenne arrive à grands pas. Et avec elle, 50 particules et une vingtaine de candidats indépendants qui commencent à s’agiter. Avec leurs logos, leurs slogans pompeux, et surtout leurs présidents qui se prennent déjà pour le messie. À fakoudou !

Et les indépendants ? Une vingtaine qui sortent de leur trou, bâillent, s’étirent, et se déclarent soudainement « homme providentiel ». Indépendants de tout, sauf de l’ambition et du rêve du fauteuil en cuir du palais.

Les promesses vont tomber du ciel : routes en or, écoles en diamant, hôpitaux ambulants. On se croirait dans un conte de fées, sauf qu’à minuit, le carrosse ne se transforme pas en citrouille, il disparaît complètement.

Celui qui gagne, on le revoit plus pendant sept ans. Hé Kéla ! Il change d’amis, de collabos, de numéro de téléphone, d’adresse. Une audience ? Des mois à l’avance pour lui parler. Les copains d’hier qui mangeaient avec lui dans la même gamelle ? Oubliés, effacés, comme des messages WhatsApp qu’on supprime pour cacher ses péchés. Il se fabrique une nouvelle vie, de nouveaux amis, des collaborateurs qui savent dire « oui » dans quinze langues différentes. À fakoudou !

Ousmane Gaou, notre minus-tre des transports, est allé à Paris. Pas pour le tourisme, non ! Pour annoncer au monde entier que « les poids lourds de l’opposition peuvent se reposer. »

Mes frères, mes sœurs, vous avez bien entendu : SE REPOSER ! Wallahi, comme si nos opposants étaient des athlètes olympiques fatigués. Mais attendez… depuis quand courent-ils ? Hé Kéla ! La dernière fois qu’on les a vus courir, c’était pour échapper aux gaz lacrymogènes !

Et puis, Ousmane Gaou – parce qu’entre nous, c’est plus rapide à dire – est tellement bavard qu’il pourrait parler pendant trois jours sans boire de l’eau. Wallahi !

Notre Général Balla Samouraï, lui, promet un « dispositif de sécurité » pour la présidentielle. Un dispositif tellement sophistiqué qu’il demanderait aux aliens de surveiller le vote !

Wallahi, au pays de la ploutocratie, tout le monde veut devenir président ! Mais le MATD a parlé : 900 millions pour être candidat, 40 milliards pour bavarder sur les podiums. Chat ne fait rien !

Désormais, pour gouverner, il faut d’abord vendre trois quartiers, hypothéquer sa belle-famille et louer son âme à crédit. À fakoudou ! Les pauvres, eux, peuvent toujours diriger des salons de coiffure. Moi, j’ai vérifié mon compte : avec mes 87 000 GNF, je peux tout juste me présenter… à la queue du bus ! On Chen fout ! Chez nous, la démocratie, c’est comme une boutique : qui n’a pas les moyens de s’acheter une affiche reste client du pouvoir. Et dire qu’avant, on élisait des hommes d’honneur… maintenant, on élit des numéros de compte ! Hé Kéla !

Ah, mes chers amis, pendant qu’on se dispute pour savoir qui sera président, qui participera, qui boycottera, il y a des gens qui se frottent déjà les mains. Les organisateurs ! Les fameux « organisateurs de l’élection » ! À Fakoudou ! Ces gens-là vont manger pendant des mois avec des pelleteuses: perdiems par-ci, frais de mission par-là, budget de sensibilisation ici, enveloppes de motivation là-bas. Wallahi, l’élection en Guinée, c’est comme une grande fête de mariage : tout le monde regarde qui va danser avec qui, mais ce sont les traiteurs qui repartent les poches pleines !

Il y avait quelqu’un qui disait : « Depuis la nuit des temps, on sait que c’est la queue qui fait l’homme. » Mais depuis un certain temps, mes amis, c’est l’homme qui fait la queue !  Partout sur cette planète, on fait la queue. À la gargote pour avoir son bandé avec sauce mélange. Bandékanyi par-ci, bandékanyi par-là ! Nos ventres crient famine, mais il faut d’abord patienter. À Pita, à Lélouma, à Siguiri, on fait la queue pour un job d’ouvrier.

On fait la queue à la clinique pour se faire soigner, qu’on soit à Conakry, à Dakar ou à Marseille. Tu peux arriver malade le matin et pourrir debout dans la queue l’après-midi ! On fait la queue à l’aéroport, dans tous les aéroports du monde. Partir ou arriver, peu importe : il faut faire la queue.

Et nos jeunes africains ? Eux, ils font la queue pour traverser le désert libyen sous un soleil de plomb. On Chen fout ! Ils font la queue pour monter dans des embarcations de fortune qui traversent la Méditerranée. Et quand ils arrivent enfin chez les toubabs, devinez quoi ? Ils font encore la queue ! Dans les camps de réfugiés, dans les centres d’accueil, dans les préfectures pour les papiers. Aux États-Unis, les étrangers font la queue même pour être rapatriés comme des colis Amazon. De la queue au départ à la queue au retour, c’est le cercle vicieux de la condition humaine moderne !

Au cinoche, au supermarché de Tokyo ou de Kinshasa, dans les embouteillages de Mexico, de Lagos ou de Pékin – partout, du Groenland à la Patagonie, toujours, encore et encore : LA QUEUE !  Même les morts font la queue ! À l’entrée du cimetière, il faut attendre son tour pour aller se reposer éternellement. Peut-être que l’homme, qui a tant souffert, d’épidémies et de guerres millénaires, a décidé de se venger de la queue ? Hé Kéla !

En tous les cas, dans ce monde moderne, la patience n’est plus une vertu, c’est devenu la condition universelle de l’existence humaine. Faire la queue, c’est exister. Ne plus faire la queue, c’est qu’on est soldat. Car nos bidasses, eux, ne font pas la queue. Dans les embouteillages de Cona-cris, ils roulent en trombe, klaxonnent comme des possédés, dégagent les automobilistes comme on chasse des mouches, et se frayent un chemin à coups de sirènes et d’intimidation. Partout où ils arrivent – à la banque, à l’hôpital, au restaurant, au marché – ils sont servis en priorité. Pas de patience pour eux ! Pas d’attente ! Le civil attend, le militaire passe. À fakoudou !

Qui avait dit que tous les hommes sont égaux ? Celui-là n’avait manifestement jamais croisé un de nos pioupious ! L’égalité, mes frères, c’est comme la queue : une belle théorie qui disparaît dès qu’un uniforme kaki se pointe à l’horizon ! À fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

En Guinée, tout est devenu général. Avec des galons, des étoiles et un uniforme impeccable.

– la misère

– les maladies

– la corruption

– le désespoir

– les litiges, etc.

Sauf la prospérité,

– la transparence

– la sécurité

– la justice, etc.

SD