Mes amis, la Guinée a fêté ses 67 coups de canons. Officiellement, c’était la fête nationale. En réalité, c’était un grand concours de discours, de promesses recyclées et de slogans usés comme des sandales de marché. À fakoudou ! Des mots jetés en l’air, Wallahi, qui s’évaporent aussitôt que les micros s’éteignent – pendant que le pays continue de naviguer, ivre, au gré des vagues du destin.

On est sortis dans la rue, on s’est souhaité bonne fête ! On a dansé, on a klaxonné, on a levé nos verres comme si tout allait bien. Tchin-tchin ! Sinon qing-qing ! On Chen fout !

On a joué à être heureux, comme des passagers d’un taxi qui chantent alors que le moteur est déjà en panne. Hé Kéla !

En 1958, nos papas ont fait un choix historique : dire NON à la colonisation. Un NON franc, massif, viril même. Mais derrière ce NON, il y avait un petit détail que personne n’avait lu en bas de page : « Vous gagnez la liberté, mais vous perdez le beurre, le pain, et la confiture. » À Fakoudou !

La vérité, c’est que notre misère est toujours là. Partagée en toute solidarité. Elle nous suit comme une belle-mère collante. Comme une ombre fidèle qui ne connaît pas de coucher de soleil.

67 ans d’indépendance, et pourtant nous sommes toujours dépendants, de l’étranger, des slogans, des illusions. Résultat ? Depuis, nous sommes devenus le seul pays qui a choisi la pauvreté volontairement. Pendant que les autres disaient « OUI » et continuaient de siroter leur café au lait avec des baguettes bien beurrées, nous on s’est retrouvés à gratter le fond de nos marmites en chantant « Libertéééééééé ! »

Aujourd’hui, beaucoup regrettent ce choix… mais en silence. À fakoudou !

Mais bon, on n’a pas une machine à remonter le temps. Alors on continue d’assumer notre « courage historique ». 67 ans plus tard, on est toujours là à fêter cette « victoire » avec des casseroles vides. On Chen fout !

M’enfin, dites-moi : pourquoi, après 67 ans de liberté, la Guinée continue de boire la coupe amère ? Pourquoi on galère comme des chèvres perdues dans le Kalahari. Hé Kéla ! La liberté devait être un banquet, et nous voilà en train de mâcher la poussière avec élégance. Alléluia !

On aime accuser les colons : « Ah, c’est leur faute, ils nous ont exploités, pillés, humiliés… » Oui, d’accord. Mais à un moment donné, il faut arrêter la comédie. Ce ne sont plus eux qui tiennent nos marmites. Wallahi, ceux qui nous vident les poches aujourd’hui, ce sont bien nos propres champions nationaux du vol. Nos « élites », qui transforment chaque budget en festin privé. Franchement, après 67 ans, on devrait plutôt dire merci à nos voleurs pour leur constance. Eux au moins, ils ne nous déçoivent jamais : chaque régime arrive avec ses pickpockets en cravate, et hop ! le peuple se retrouve encore à lécher des cailloux. On Chen fout !

La vérité est simple : la colonisation, c’est de l’histoire ancienne. Le problème, c’est la mangecratie locale. On n’a pas besoin de nouveaux colons, on a nos propres fossoyeurs avec cartes de visite officielles. À fakoudou !

Alors, cessons d’accuser les fantômes du siècle dernier. Si aujourd’hui nous mangeons des cailloux, c’est parce que ceux qui devaient cuisiner pour nous ont préféré avaler tout seuls le repas.  À fakoudou !

Mes amis, la présidentielle guinéenne se tiendra le 28 décembre prochain. Du moins, on l’espère. On a une date, c’est déjà ça. Mais côté candidats… c’est le désert. Les potentiels présidentiables semblent tous en grève de motivation, ou bien ils attendent que quelqu’un leur explique exactement ce qu’ils vont faire du pays avant de se lancer. Hé Kéla !

Peut-être qu’on devrait lancer un appel d’offre national : « Cherchons dirigeants courageux pour reprendre un pays en kit. Compétences : savoir gérer la misère, naviguer entre les scandales et promettre l’impossible avec le sourire. Bonus : capacité à supporter les critiques sur Internet. »

Au Café du Peuple, où les grandes gueules viennent refaire le monde à crédit, il y avait ce jour-là Bernard-le-désossé. Hé Kéla ! On l’appelle comme ça, parce qu’il a tellement critiqué le pouvoir que même ses fesses ont fini par s’opposer à elles-mêmes. Il faut dire que le gars a la langue bien pendue : elle sonne plus que les cloches du Vatican. À fakoudou ! Et ce jour-là, Bernard disait :

– « Mes amis, les Guinéens ont le devoir de faire un choix judicieux. Peut-être qu’il faudrait même revoir pour quelle corporation voter.

Les syndicalistes ? Disqualifiés d’avance. On a déjà donné avec Sékou Tyran : pas de manifs, pas de pancartes, juste des pendaisons, de la prison, des exécutions sommaires, de la suspicion et une humiliation sans nom. Merci, mais non merci.

Les militaires ? Pas mieux. Trente ans de gestion chaotique : Fory Coco, Dadis-show, Ce-coup-bas Konaté et tout le reste… Sérieusement, à part compter les munitions et bastonner les petit-quelqu’un, qu’ont-ils fait ?

Les enseignants ? Dehors aussi ! Après Alpha Grimpeur, on en a marre de corriger des brouillons et de recopier des promesses écrites avec des fautes d’orthographe politiques. Hé Kéla !

Alors, qui reste-t-il ? Les autres corporations. À part bien sûr la corpo des voleurs et celle des creuseurs de tombes, tout le monde peut tenter le fauteuil présidentiel. Pourquoi pas les journalistes (ils savent manier la plume), les maçons (ils connaissent les fondations), ou même les braves ménagères (qui gèrent un budget familial mieux que tous nos minustres réunis) ?

Bref, il est temps de changer de tampon, peut-être qu’un jour la Guinée connaîtra le bonheur et la prospérité partagée… au lieu de continuer à collectionner les scandales comme d’autres collectionnent les timbres. »

Et tout le café éclata de rire. Même le vieux serveur qui nous sert toujours du thé sans sucre. Il y avait quelqu’un qui disait : « Notre Général est encore là pour un bon moment… Il roule tranquille, roue libre, pas de frein à main. On peut bien l’essayer pour sept ans, mais à une condition : qu’il arrête de distribuer les postes comme des tickets de tombola où chaque gagnant est un voleur potentiel.

Alors oui, on prend le Général… mais seulement s’il copie Kagame, son idole, et qu’il mette enfin la méritocratie au menu. Sinon, ce sera encore sept ans de sauce claire. » À Fakoudou !

En Guinée, Wallahi, la souveraineté économique est une femme coquette : on la courtise dans les discours, on la fiance dans les projets, mais elle finit toujours par s’enfuir avant la cérémonie.

On l’attendait hier au marché : elle a pris un taxi, mais le chauffeur l’a déposé dans un caniveau. Hé Kéla ! On l’espérait l’autre jour au palais : elle a fait demi-tour, prétextant qu’elle avait oublié son maquillage. On l’annonçait le mois dernier dans la campagne : elle a envoyé un mot d’excuse, coincée paraît-il à la frontière, faute de passeport biométrique.

Wallahi ! La souveraineté économique est comme une mariée capricieuse : toujours en retard, toujours fuyante, toujours voilée. Et le peuple, lui, reste planté devant la mairie avec un bouquet fané, à applaudir des fiançailles sans noces. À fakoudou !

Peut-être qu’un jour, elle acceptera enfin de s’installer ici chez nous… Mais d’ici là, nous continuons de célébrer des promesses, de poser des pierres et de couper des rubans… sans jamais voir le prolongement. Mais, on chen fout ! Bref, notre paradis est en chantier, toujours en travaux, avec promesses, scandales et bricolages à tous les étages. À fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

La Guinée a battu tous les records du monde. On a plus de promesses que de citoyens, plus de slogans que d’hôpitaux, et plus de “motels” que d’écoles. On joue à être heureux, comme des invités d’un mariage qui rient aux éclats, tout en mâchant des cacahuètes, faute d’avoir accès au banquet. »

SD