Franklin Nossiter, expert de Crisis Group, analyse les intentions présidentielles du général Doumbouya, malgré sa promesse antérieure de ne pas briguer de mandat électoral.

La Guinée a annoncé la tenue d’un scrutin présidentiel le 28 décembre, marquant ainsi la fin officielle de quatre années de transition militaire. Mais les conditions ayant mené au coup d’Etat de septembre 2021 demeurent, et le chef de la transition, le général Mamadi Doumbouya, semble déterminé à se porter candidat. Un mois avant la proclamation du calendrier électoral, le 27 septembre, le gouvernement a suspendu les deux principaux partis d’opposition et fait adopter des révisions constitutionnelles permettant à Mamadi Doumbouya de se présenter, alors qu’il s’était auparavant engagé à ne pas le faire.

Ces décisions risquent d’aggraver les clivages politiques. Mamadi Doumbouya et ses alliés ont pris le pouvoir lors d’un coup d’Etat salué par la population, alors que la décision de l’ancien président Alpha Condé de modifier la constitution pour briguer un troisième mandat en 2020 suscitait une vive inquiétude. Face à la vague de contestation publique, le chef de l’Etat de l’époque avait procédé à des arrestations et pris d’autres mesures répressives.

Son coup de force a ouvert la voie au coup d’Etat. Le général Doumbouya est arrivé au pouvoir en critiquant « l’instrumentalisation de la justice [et] le piétinement des droits des [citoyens] » sous la présidence d’Alpha Condé. Mais le gouvernement de Mamadi Doumbouya n’est pas parvenu à apaiser le climat politique du pays, parfois violent et instable, ni à trouver une solution aux divisions et aux rivalités qui agitent son armée. En juin 2024, le général Sadiba Koulibaly, ancien chef d’état-major des forces armées et figure jadis influente de la junte, est décédé en détention quelques jours après avoir été condamné pour désertion, pour avoir prétendument abandonné son poste à l’ambassade de Guinée à Cuba.

Aujourd’hui, Mamadi Doumbouya semble suivre les traces d’Alpha Condé en cherchant à obtenir un mandat électoral après avoir modifié la constitution. Bien que le général n’ait pas encore annoncé sa candidature à la prochaine élection, des représentants du gouvernement mènent depuis des mois une campagne informelle en sa faveur. La Charte de la transition, qui a servi de constitution à la Guinée depuis le coup d’Etat, l’empêchait de se présenter aux élections marquant la fin de la période de transition. Le 21 septembre, les autorités de transition ont toutefois organisé un référendum sur une nouvelle constitution, qui a notamment levé cette restriction. La nouvelle constitution a été adoptée avec 89 pour cent des voix et un taux de participation de 86 pour cent.

La victoire au référendum s’explique en grande partie par la répression du gouvernement contre les opposants politiques et la société civile. En août, les autorités ont suspendu les deux principaux partis politiques du pays, l’Union des forces démocratiques de Guinée et le Rassemblement du peuple guinéen, officiellement pour non-respect de certaines réglementations administratives. Les dirigeants de ces deux mouvements, respectivement l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo et l’ancien président Condé, sont en exil. Depuis 2022, le gouvernement a interdit la tenue de manifestations, et les organisations de la société civile ont recensé plus de 50 décès de manifestants entre septembre 2021 et décembre 2024.

En reproduisant la stratégie d’Alpha Condé – se maintenir au pouvoir à tout prix et mobiliser les ressources de l’Etat pour affaiblir l’opposition et la société civile –, les nouveaux dirigeants guinéens risquent de connaitre le même sort que ce dernier : rester aux commandes, mais avec une légitimité en déclin et la menace permanente d’un coup d’Etat par une armée encore divisée.

Franklin Nossiter, expert de Crisis Group