À 26 ans, Hadja Idrissa Bah fait partie de ces femmes qui ne se sont pas contentées de rêver un monde meilleur : elles ont décidé de le construire. Militante, présidente d’Impact Jeunesse, Déléguée adjointe au Conseil national de solidarité et de développement international au sein du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, fondatrice du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée, Hadja Idrissa incarne une jeunesse engagée, lucide et déterminée. Portrait.

Au-delà des titres et des distinctions, il y a une femme, une mère, une fille façonnée par le courage et la conviction qu’aucune destinée n’est écrite d’avance. Hadja Idrissa Bah a grandi à Taouyah, au sein d’une grande famille polygame, dans une Guinée encore frileuse à l’idée d’envoyer les filles à l’école. « La chance que j’ai eue, confie-t-elle, c’est d’avoir un père qui a cru en moi. » Analphabète, mais visionnaire, son père s’est battu pour qu’elle fréquente une école française, là où ses cousines étaient inscrites dans des écoles franco-arabes. « C’était une pression pour lui, raconte-t-elle en souriant. J’étais l’exception de la famille. Mais papa voulait prouver que sa fille pouvait aller loin. » À l’école Saint-Georges, de la maternelle au lycée, Hadja apprend la rigueur, la compétition, la discipline. Son père pose une condition à son militantisme naissant : rester parmi les meilleures. Et elle le fera. Au BEPC, elle décroche une mention Très Bien, 23ᵉ de la République. Mon père, dit-elle avec tendresse, « c’est mon véritable pilier ».

Le déclic viendra à 12 ans

Un après-midi, sur le chemin de l’école, la jeune Hadja Idrissa croise des enfants mendiants dans la commune de Ratoma. « Leurs parents étaient handicapés ou les forçaient à mendier. Je me suis dit que c’était injuste. Moi, j’avais la chance d’aller à l’école, pourquoi pas eux ? » Sans réfléchir, elle se rend au commissariat pour demander l’arrestation du père. Un geste naïf, mais fort, symbole d’une indignation pure. Ce jour-là, une vocation est née : celle d’agir, coûte que coûte.

Timide à ses débuts, Hadja tremblait devant un micro. « Je me demandais si j’étais faite pour ça. » Mais à force de persévérance, elle se forge. Une rencontre change tout : Maria Sow, journaliste à Évasion FM. C’est elle qui lui tend le micro pour la première fois et lui propose d’animer une émission pour les enfants. « C’est là que j’ai appris à oser, à parler, à me tromper, puis à recommencer. » De cette expérience, naît une éloquence qu’elle mettra au service des causes les plus nobles. Après son Bac, Hadja Idrissa entame des études en sciences politiques à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia, avant de poursuivre à la Sorbonne en droit, puis en Communication et Relations publiques dans une école européenne en Belgique. Des années de travail acharné, sans répit. « Je ne connais pas autre chose que le militantisme et les études, » résume-t-elle. Puisque pour elle, les deux sont indissociables : apprendre, c’est déjà agir.

Création du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée

En 2015, alors qu’elle préside le Parlement des Enfants de Guinée, Hadja Idrissa Bah sent la nécessité d’un espace d’expression réservé aux filles. « On ne pouvait pas parler de tout au Parlement, surtout des sujets tabous. » Elle décide alors de créer une association « où les filles parleraient de leurs droits et de leurs blessures ». Le nom s’impose naturellement : Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée. Les débuts sont rudes. Les portes se ferment. On la taxe de « fille insolente », de « trop ambitieuse ». Mais, quelques soutiens s’ouvrent à elle. L’ancien maire de Ratoma, KPC, Mustapha, ou encore la Direction nationale de l’Enfance lui tendent la main. Avec 10 millions de francs guinéens, Hadja et son équipe parcourent l’intérieur du pays pour étendre son projet. « On dormait parfois dans la voiture ou dans la brousse, mais on y croyait. » Aujourd’hui, le Club est une référence en Afrique de l’Ouest. « Nous avons prouvé qu’à notre âge, on pouvait impacter. »

Mais le parcours de Hadja Idrissa Bah n’a pas été qu’ascension. En 2019, un scandale médiatique l’ébranle. Après avoir tenté d’aider une jeune fille victime d’un mariage forcé, la situation se retourne contre elle. « J’ai été insultée, humiliée sur les réseaux. J’ai voulu tout arrêter. » Ce moment de doute, elle le traverse avec le soutien de ses parents et des jeunes filles qu’elle inspire. « Je ne pouvais pas les décevoir. Ils croient en moi ».

Elle se relève, plus forte. Et prouve qu’une chute n’éteint pas une flamme, plutôt elle la ravive. Aujourd’hui, Hadja Idrissa est aussi maman d’un petit garçon de deux ans et demi. Une nouvelle facette de sa vie qu’elle assume avec tendresse. Elle conjugue maternité, responsabilités internationales et engagement, sans faillir. « J’ai sacrifié mon enfance, mon adolescence au service des autres. Mais je ne regrette rien. »

Quand on lui demande de résumer son parcours en un mot, elle répond sans hésiter: « Impacter», car c’est bien ce qu’elle fait, inspirer, éveiller, éveiller encore. Son message à la jeunesse résonne comme une promesse : « Refusez qu’on vous dise que vous n’y arriverez pas, fixez-vous un objectif et travaillez. »

Pour Hadja Idrissa Bah, l’engagement n’est pas un choix, c’est une mission. Et à voir le chemin parcouru, il ne fait aucun doute : sa voix continuera de porter bien au-delà des frontières.

Aïssatou Bah