Ce matin du 02 octobre 1958, le Palais de l’Assemblée territoriale, à l’extrême pointe de la presqu’ile de Kaloum, baigne dans une effervescence inhabituelle. Une foule compacte et gaie trépigne d’impatience, attendant d’un moment à l’autre la proclamation de l’indépendance de la Guinée par Sékou Touré, président du Conseil de gouvernement. A l’intérieur, celui-ci a déjà pris place en compagnie de Saïfoulaye Diallo, président de l’Assemblée territoriale. Naturellement, les Conseillers territoriaux qui sont sur le point de devenir les députés du nouvel Etat, sont  confortablement installés. Soudain, la voix tonitruante de Sékou Touré déchire l’air et libère le message historique tant attendu depuis le 25 août et surtout le 28 septembre de la même année. « Je déclare l’indépendance et la pleine souveraineté de la République de Guinée ». L’applaudimètre explose dans la salle. Les  tout nouveaux députés se congratulent, rêvent. Beaucoup disparaîtront dans le tourbillon incandescent de la Révolution. Dehors, la foule exulte, danse, chante les louanges à la gloire du Syli. La chronique d’une victoire annoncée s’achève.

Pour les leaders politiques guinéens de tous bords (PDG-RDA, PRA) et les masses, ce jour est la consécration d’une longue décennie de conquête de droits fondamentaux politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils sont dorénavant libres et maîtres de leur destin. Le méchant colon s’en est allé.

Chaque année, les Guinéens commémorent ce jour fatidique, selon l’air du temps. Au début, la fête était fastidieuse, féérique. Peu à peu, elle s’est étiolée et a perdu de son éclat au point que cette année elle est réduite au dépôt de gerbe de fleur par le chef de l’Etat qui a fait aussi une adresse à la Nation, la veille. Contrairement aux us et habitudes, cette adresse n’est pas une logorrhée de réalisation politique, économique et sociale du régime, mais un condensé de choix stratégique dont tout le monde doit s’abreuver.

Elle rappelle à satiété un principe de base : « S’inspirer du passé pour construire ensemble le futur dans une perspective de souveraineté économique ». Convenons qu’il n’est pas superflu de rappeler cette lapalissade. Même Toto sait qu’on n’invente pas la roue. Qui plus est, cette adresse à la nation met du baume au cœur aux Guinéens. Elle leur apprend que pour la première fois, la Guinée a été notée par une agence de notation internationale. Allélua ! Elle a obtenu un B+. Bravo ! Un coup d’essai pour un coup de maître !

Le monde occidental compte de nombreuses agences de notation qui, comble de malheur, distribuent des notes aux économies des grands pays industrialisés du monde en raison de leur performance. Les agences de notation notent la performance des pays sur une échelle allant de AAA (la meilleure note, indiquant un faible risque) à D (le défaut de paiement). On affecte des + ou – à ces lettres pour désigner des bonnes ou mauvaises perspectives permettant d’envisager d’éventuels changements futurs. Jusqu’ici, la Guinée n’avait jamais été notée par une agence.

Dans cette communication, le Général Mamadi Doumbouya a clamé haut et fort sa volonté de promouvoir un capital humain de qualité aussi bien sur le plan professionnel que moral. N’est-ce pas là la source de la bonne gouvernance ? Œuvre homérique, mais tout à fait à la hauteur d’homme.

Abraham Kayoko Doré