Une citoyenne de la diaspora interpelle le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, sur ses responsabilités et sur le chemin qu’il n’a pas choisi : celui de la réconciliation et de l’État de droit.

Monsieur le Président,

Qu’importe que vous ayez planifié ou non les enlèvements, instruit ou ignoré les agissements de la commission des crimes, que vous découvriez avec effroi, comme nous autres, les atrocités qui se déroulent sous vos yeux : vous êtes, avant tout et au premier chef, comptable de la gouvernance du pays. Nul ne peut vous décharger de cette responsabilité.

Depuis votre prise du pouvoir, vous n’avez pas entrepris de bâtir des institutions solides ni de jeter les fondations d’un véritable État de droit. Ne croyez donc pas que les clauses habilement glissées dans votre « norme fondamentale » suffiront à vous garantir une quelconque immunité. Car vos choix, vous les avez posés librement, en toute conscience et lucidité.

Or, rien sur cette terre n’est figé. Les certitudes s’effondrent. Les symboles se renversent. Les colosses eux-mêmes finissent par vaciller.

Les montagnes, brisées par un séisme, deviennent pierres de construction.

Le fromager majestueux, déraciné par la tempête, finit en bois de chauffe.

La mer, quand l’équilibre du monde se rompt, sort de son lit pour tout engloutir.

L’ami le plus sûr peut devenir un assassin, si la convoitise le dévore.

Et la mort ou la maladie peut, en un battement de paupière, briser l’œuvre la plus aboutie, réduire à néant la puissance la plus redoutée.

C’est pourquoi votre responsabilité dépasse de loin les calculs politiques. Car vous aviez la chance unique de transformer les malheurs des Guinéens en bonheur, de convertir les blessures de l’histoire en promesses d’avenir.

Mais au lieu de cela, vous avez choisi de multiplier les douleurs. Vous pouviez réconcilier la Guinée avec elle-même, réconcilier les Guinéens entre eux, rompre enfin le cycle de la terreur et de la souffrance. Vous aviez ce pouvoir. Vous n’en avez pas emprunté le chemin.

Alors, permettez une question simple, mais terrible : aimez-vous vraiment la Guinée ? Aimez-vous véritablement les Guinéens ? Ou n’aimez-vous que le pouvoir et les privilèges qu’il procure ?

De la diaspora, ma tristesse se fait plus lourde encore. Car je vois un pays, que j’aime, sombrer dans un cycle de douleurs évitables, sous la conduite d’un homme qui avait la possibilité d’écrire une page nouvelle, mais qui a préféré perpétuer l’ancien scénario.

La Guinée survivra, elle se relèvera : comme la montagne qui renaît en pierre taillée, le fleuve qui trace une voie nouvelle après le débordement. Mais son histoire retiendra, Monsieur le Président, que vous avez manqué ce rendez-vous.

Kadidiatou Bah

Une citoyenne de la diaspora