Avec 89,38% des votes favorables au oui et un taux de participation à 86,42%, en dépit de l’appel au boycott des poids lourds politiques, le référendum constitutionnel du 21 septembre a été crédité de scores ahurissants, selon les résultats officiels. Dans notre bled, les changements de constitution ont toujours été approuvés haut la main et les présidents sortants déclarés élus ou réélus.

La République de Guinée est issue d’un référendum : le scrutin fondateur du 28 septembre 1958, par lequel le jeune État a accédé à son indépendance le 2 octobre de la même année. Un vote historique, enthousiaste qui a mobilisé tout le monde. Malgré cela, avec 1 130 292 de Non à la communauté, contre 56 959 de Oui, ni le taux de participation ni les écarts entre les différentes tendances n’ont atteint les proportions du référendum constitutionnel qui vient de s’achever.

Selon les résultats officiels du scrutin du 21 septembre dernier proclamés par le MATD, le Oui à l’adoption du projet de nouvelle constitution totalise 89,38% des 6,7 millions d’inscrits. Contre 10,62 % de Non. Quant au taux de participation, il serait de 86,42%. 

A en croire à ces statistiques, les poids lourds politiques d’autrefois sont brusquement devenus plus légers que le coton de Kankan : le Sid Touré de l’UFR, La Petite Cellule Dalein Diallo de l’UFDG et Alpha Grimpeur du RPG réunis, qui avaient appelé au boycott, ne valent plus rien. Et les nouveaux maîtres, sans passé politique jusque-là, deviennent subitement populaires. Comme si les suffrages des Guinéens étaient réservés aux dirigeants du moment car, dans notre bled, le pouvoir est toujours sorti vainqueur des sélections qu’il organise.  

Les coups…chaos du Grimpeur

Lors du référendum constitutionnel du 22 mars 2020, de l’ère Alpha Grimpeur, le Oui avait remporté la victoire sans appel de 91,59% (2 856 675 de suffrages). Contre 8,41% (262 185 de voix) de Non. La Commission électorale nationale indépendante avait évalué le taux de participation à 61,18%. Et ce, en dépit du boycott actif de l’opposition qui, comme aujourd’hui, soupçonnait le président de la République de vouloir briguer indûment la présidentielle qui allait suivre.

Les soupçons finiront par se concrétiser. A la sélection présidentielle du 18 octobre 2020, Alpha Grimpeur, candidat à un controversé troisième mandat, sera déclaré victorieux par coup KO, avec 59,49% des suffrages. Son principal rival, La Petite Cellule Dalein Diallo, est crédité de 33,5% des voix. Taux de participation : 78,88%.

En 2015, le président sortant n’avait pas bougé de son palais, fort de ses 2 284 827 des suffrages exprimés (57,84%). Son éternel rival, arrivé deuxième avec 31,45% des voix, lors d’un scrutin contesté au taux de participation de 68,36%.

Le face à face Alpha Grimpeur – Petite Cellule Dalein Diallo a commencé en 2010. Au premier tour, le premier n’avait pu glaner que 18% de voix ; contre 43% pour le second. Au second round, Alpha Grimpeur est déclaré élu avec 52,52% des voix. A la surprise générale, La Petite Cellule Dalein Diallo s’incline, crédité de 47,48%. Un scrutin tendu, avec un taux de participation d’environ 50%.

Les victoires à la soviétique de Fory Coco

Après 26 ans de règne sans partage, le Guide suprême de la Révolution, Ahmed Sékou Tyran et son parti unique, le PDG, quittent le pouvoir à la suite du coup d’État militaire du 3 avril 1984.

Six ans après, la Guinée embrasse le régime démocratique en adoptant par référendum une nouvelle Constitution le 23 décembre 1990. Le texte est approuvé à une quasi-unanimité des votants (plus de 98%) ! Avec un taux de participation d’un peu plus de 97% !

Le 19 décembre 1993, à l’issue de la toute première sélection multipartite du bled, le président sortant Fory Coco est déclaré élu avec une courte majorité de 51,71%. Cinq ans plus tard, le 14 décembre 1998, le président bidasse est réélu avec 56,11%.

S’arrêtent-là les scores sombres, car le 21 décembre 2003, Fory Coco est réélu avec 95,5% des voix, malgré le boycott de l’opposition et la maladie du président sortant qui a voté, bien calé dans sa voiture de commandement. L’urne s’étant déplacé vers lui.

Mais avant, pour faire sauter le verrou de limitation de mandat présidentiel et briguer son septennat renouvelable à vie, un référendum constitutionnel s’est tenu le 11 novembre 2001. Plus de 98% de votes favorables au Koudéisme (présidence à vie). Les appels au boycott de l’opposition n’empêchent nullement le taux de participation de frôler les 90%.

Cinq ans après avoir été élu pour un mandat présidentiel de sept ans, le 22 décembre 2008, Fory Coco s’incline face à la mort. Pour la première fois. Alpha Grimpeur a été délogé du palais présidentiel Sékhoutouréya un matin de 5 septembre 2021 par putsch. Le capitaine El Dadis avait vu son règne abrégé par Toumba Diakité, le 3 décembre 2009.

Jusque-là donc, le général El Tigre Konaté est le seul président à avoir évité à son pays une alternance par la mort ou les armes.

Diawo Labboyah