Le 3 novembre, date butoir du dépôt des dossiers, une candidature des plus inattendues a atterri au greffe de la Basse-cour suprême : celle d’Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba, bagnard de l’Hôtel Cinq étoiles de Coronthie. De quoi susciter questions et polémiques.

Parfois, la prison mène au pouvoir…et inversement. Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba est bien connu des Guinéens, non pas en tant que politique, mais pour avoir été d’abord aide de camp d’El Dadis Camara, prési du Chaud-NDD [junte qui s’est emparée du pouvoir après la mort de Fory Coco en décembre 2008]. Puis, pour avoir fait le show au procès du massacre du 28-Septembre 2009.

Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba occupe de nouveau le devant de la scène. Le 3 novembre, il s’est inscrit dans la course à la magistrature suprême. Son dossier a été déposé à 15h 25mn, enregistré sous le numéro 32. Peu avant l’arrivée à 16h du Gêné-râle Mamadi Doum-bouillant, quoi ! Il a été délivré à ses émissaires le récépissé N° 32, comme le prévoit l’article 128 du Code électoral, alinéa 3. Mais le « récépissé ne confère pas la validité » à la candidature déposée, précise le texte. Plus tôt, à la même date, les partisans de l’ex-aide de camp ont déposé la caution de 900 millions de francs glissants au Trésor public.

M. Diakité se présente sous les couleurs du Parti pour la réconciliation et le travail. Prison et éligibilité sont quant à elles difficilement conciliables. Même si le PRT a décroché, on ne sait par quelle gymnastique, son certificat d’aptitude à l’exercice d’activités politiques en Guinée délivré par la Direction générale des Affaires politiques du MATD. En tout cas, il occupe le 36è rang de la liste des partis réglos, publiée le 15 octobre dernier.

Le père ignore tout du fils

Sauf que le daron ignore si le rejeton est candidat. « Les gens m’appellent de partout pour savoir si mon fils est libre. Moi-même, je me pose des questions sur sa candidature, car une chose est sûre : il est en prison. J’ai entendu parler de sa candidature, mais nous n’en avons jamais discuté », a clarifié ainsi à Médiaguinée Mamadi Diakité. Ajoutant que « s’il [Toumba] est libre, soyez rassuré, j’en serais très heureux. Mais pour l’instant, je ne prends rien pour acquis. Je me contente d’observer et je prie pour sa libération ». C’est sage.

Le père coupe court ainsi aux rues-meurent de Cona-crime qui distillaient que le candidat du PRT est libéré, pour préparer sa campagne pestilentielle. Les autorités judiciaires n’ont encore pipé maux sur la « prétendue » libération de Toumba Diakité. Peut-être que ce dernier sera déclaré élu au gnouf.

En attendant, sa candidature interroge. Aboubacar Toumba Diakité a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, par le tribunal criminel de Dixinn, le 31 juillet 2024. Il a été condamné à 10 ans de prison ferme.

Après avoir tiré sur El Dadis et sa cavale en décembre 2009, un mandat d’arrêt international a été décerné contre Toumba. Il a été choppé à Dakar en décembre 2016. Extradé, un chapelet de griefs ont été portés contre lui : meurtres, viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée, coups et blessures volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements, séquestrations, agressions sexuelles, attentats à la pudeur, responsabilité de commandement des chefs hiérarchiques et militaires et de complicité. Et tutti quanti.

A la Basse-cour suprême de jouer

Depuis mars 2017 donc, Toumba est logé à l’Hôtel Cinq étoiles de Coronthie. Tous frais payés. Avant le 28 décembre 2025, il n’aura pas fini de purger sa peine. D’où tous les regards désormais tournés vers la Basse-cour suprême dont la chambre constitutionnelle joue le rôle de juge constitutionnel et devait se prononcer sur la liste provisoire des candidats dans la soirée du 8 novembre. (A la publication de l’article, la faim du suspense n’était qu’une question d’heures.)

Et les Guinéens se posaient des questions. À juste raison. Toumba a-t-il pu s’offrir un casier judiciaire vierge en prison ? Que dit la loi d’un condamné pour crimes contre l’humanité ? Au regard de l’article 45 de la nouvelle Constitution, tout candidat à l’élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques, être certifié en bonne santé physique et mentale par un collège multidisciplinaire de médecins assermentés, institué par la Cour constitutionnelle.

Le Code électoral enfonce le clou, en déclarant inéligible « toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour crime ou délit. » Condamné pour « crimes contre l’humanité » à 10 de prison et coffré, Toumba sera-t-il admis à participer à la course présidentielle ? Plus qu’une grâce présidentielle à l’image d’El Dadis, sera-t-il amnistié dare-dare ? Pas si sûr.

Faim octobre 2024, l’un des avocats (sans vinaigrette) du prisonnier-candidat a juré, la main sur le palpitant, que son client « est toujours malade. Nous avons demandé depuis très longtemps son évacuation. Son cas est très critique. »

Désormais, Toumba semble apte à diriger le bled, sauf avis contraire des médecins missionnés pour tâter les pouls des candidats présidentiels. Quoi qu’il en soit, qui PRT gagne.

Mamadou Siré Diallo