À l’occasion de la Journée internationale des personnes en situation de handicap, célébrée le 3 décembre, la Guinée s’est jointe au reste du monde en lançant les 72 heures du handicap. Pour l’occasion, La Lance a recueilli le 5 décembre, les témoignages de personnes en situation d’handicap qui, successivement, ont mis en lumière les expériences, les défis et ambitions qu’elles vivent au quotidien.

Aly Komano, est enseignant-chercheur. Pour lui, la journée n’est pas un moment de pitié, mais un rappel de dignité et d’égalité. «Pour moi, être handicapé ce n’est pas chercher la pitié ni me sentir moins capable. La journée, je l’ai vécu comme d’habitude, en travaillant, en partageant mon expérience, en rappelant que nous avons des droits (…) L’inclusion, ce n’est pas un cadeau, c’est juste du respect», a-t-il déclaré. Poursuivant, il décrit des obstacles persistant dans son quotidien. «Les obstacles ne sont pas dans ma tête, ils sont autour de moi : infrastructures pas adaptées, procédures compliquées, manque d’égards. Malgré tout, je ne me vois pas handicapé. Je suis quelqu’un qui veut apprendre, travailler, occuper des postes de responsabilité, pour servir son pays.»

L’enseignant-chercheur plaide pour la mise en œuvre des lois, pour le respect de la dignité des personnes vulnérables. «Les lois existent déjà, il faut juste les appliquer. Rendre les lieux accessibles, adapter les outils et les programmes, former les équipes, car l’inclusion ne demande pas de faveur, juste de l’organisation et du respect.»

Regards et obstacles sociaux

Le journaliste, Boubacar Sanso Barry, a rappelé, pour sa part, le sens profond du 3 décembre. «Tous les 3 décembre, l’humanité fait une pause pour faire l’état des lieux sur les droits des personnes handicapées (…) Le handicap résulte moins des déficiences physiques ou mentales que du regard, de la perception et des attitudes à l’égard de la personne en situation de handicap». Selon lui, «les défis se rapportent notamment aux questions de scolarisation, d’accessibilité aux services, de la santé, et à l’environnement inadapté, y compris en milieu urbain.» Des obstacles qu’il a su surmonter, afin de s’épanouir, grâce au rôle familial et professionnel. «Je veux dire le fait qu’elle ne m’ait ni exclu et marginalisé, ni surprotégé et couvé. J’ai été juste un enfant ordinaire. Le fait qu’on m’ait envoyé aussi à l’école m’aura permis d’entrevoir mon avenir avec un certain optimisme… J’ai appris à envisager les mêmes perspectives pour moi», s’est-il félicité. Ajoutant que l’accès à l’emploi a été décisif après trois années d’attente. «Le fait qu’à la fin de mon parcours universitaire, j’ai fini par trouver un emploi a aussi joué un rôle important dans ma trajectoire. Parce que, pour une personne handicapée, une chose est d’étudier, une autre est de trouver de l’emploi par la suite.»

D’où son appel aux jeunes en situation de handicap à la persévérance. Boubacar Sanso Barry a appelé la société à briser le mythe lié au handicap. «Aux jeunes, c’est de ne surtout pas abandonner leur projet. Il est possible qu’il y ait beaucoup d’échecs ou qu’ils se heurtent à de nombreuses difficultés. J’invite surtout l’ensemble de notre société à faire évoluer ses mentalités sur le handicap. Car l’enfant aveugle qui mendie dans la rue, ou le tétraplégique qui se roule dans la boue aux abords de nos marchés, résulte surtout de nos attitudes et de nos perceptions du handicap.»

Une voix au sein des institutions

Dame Massoud Barry est conseillère au Conseil national de la Transition, CNT. Elle s’est aussi exprimée sur la représentativité des personnes en situation de handicap. «Tout d’abord, si vous regardez 10 ans en arrière, la question du handicap dans la famille, dans la société et dans les instances de prise de décisions n’était pas discutée comme elle l’est aujourd’hui. Dans nos politiques, il faut avouer que la question du handicap est prise en compte. Moi, je suis mieux placée pour le dire. Aujourd’hui au CNT, il y a des personnes qui représentent les handicapés ainsi qu’au ministère de l’Action sociale et de la Banque centrale.»

Évoquant son apport au CNT, elle affirme : «Ma présence au CNT a changé beaucoup de choses. Au début, le CNT n’était pas accessible aux personnes en situation de handicap, car l’ascenseur n’était plus fonctionnel. Mais lorsque je suis arrivée, tout a été mis en ordre : il y a des ascenseurs et des rampes. Donc, les personnes en situation de handicap n’auront plus  les difficultés d’accéder à l’hémicycle. Il n’y a pas aussi une loi qui passe au CNT (société, justice sociale) sans intégrer la question du handicap. Toutes les lois qui sont adoptées au CNT, comme les accords liés aux constructions des infrastructures, tiennent compte de la question du handicap. Si le document ne tient pas compte, il sera renvoyé. Donc, c’est une chance pour les personnes en situation de handicap», s’est-elle réjouie. Soulignant que la question du handicap, bien que constitutionnalisée auparavant, elle a été maintenue mais «cette fois-ci de façon détaillée et très claire», idem concernant le Code électoral. Abordant la loi sur le handicap, Massoud Barry précise : «Je n’ai pas proposé la Loi sur le handicap, mais je l’ai soutenue. C’est un projet porté par le ministère de l’Action sociale et des personnes vulnérables. Une loi que personnellement j’ai appuyée, parce que la loi sur le handicap est une loi spécifique. Je me suis battue pour que cette loi soit adoptée au CNT, à l’unanimité.»

L’État face à ses responsabilités

Lors de la célébration de la Journée internationale des personnes en situation de handicap, le Premier ministre Amadeus Oury Bah a rappelé les responsabilités de l’État. «Assurer l’accès à l’éducation, à la santé et à un accompagnement spécialisé pour toutes les personnes handicapées. Il a reconnu que les infrastructures restent insuffisantes et a appelé au renforcement des écoles spécialisées, à la formation des encadreurs et au développement d’un appui social structuré, notamment via le registre social unifié», lit-on sur la page Facebook de la Primature.

Mariama Dalanda Bah