La Lance, le javelot qui perce le cœur de l’actualité tous les mercredis, a 29 ans ! La sœur cadette du satirique « Le Lynx » est devenue mature. Les seins dressés comme un « I », le postérieur proéminant. C’est l’âge d’or d’une jeune femme, en quête de conjoint responsable. La Lance est un javelot palpitant dont le géniteur est le satirique « Le Lynx », exactement comme Dieu se servit d’une côte d’Adam pour créer la femme. Il a fallu un frère protecteur et généreux, « Le Lynx », pour que La Lance résiste aux intempéries, fasse ses premiers pas, articules ses premiers mots et consolide ses pas qui l’ont hissé du haut de ses 29 ans ce 16 décembre 2025.
Pourquoi La Lance ?
Si mes souvenirs sont bons, La Lance devait combler un double vide. D’une part, avec le bouclage et la mise sous presse du Lynx le vendredi, il était impossible de traiter les actualités brûlantes qui tombaient entre ce jour et le lundi suivant. De l’autre, à l’époque, la culture bouillonnait les week-ends : sorties d’albums, dédicaces de livres, conférence de presse d’artistes en vue…
Le Lynx, happé par des lecteurs friands d’actualité politique, accordait peu d’intérêt à l’actualité culturelle. La Lance devait donc couvrir les actualités du weekend et donner la part belle à la culture pour garder les lecteurs qui en raffolent.
Le premier numéro, si j’ai bonne mémoire, avait en Une une interview exclusive de Saran Sandiana, alors étoile montante de la musique guinéenne ; je crois, ambassadrice de l’UNICEF pour la « Petite enfance ». Au bouclage, l’équipe soudée autour des feux Sékou Amadou Condé et Prosper Doré jubilait. Tout le monde disait que le journal allait se vendre comme de petits pains. Malheureusement, ce fut tout le contraire. Ça a été un fiasco. Une pile d’invendus.
Une version simplifiée du Lynx
Il fallait juste en tirer les conséquences et la conclusion, la suivante : nos lecteurs prouvent, par leur indifférence, qu’ils préfèrent les actualités politiques brulantes aux articles culturels à l’eau de rose. Le numéro qui a suivi avait coïncidé avec un évènement politique majeur, dont je ne me souviens plus. La Une et la quasi-totalité du contenu étaient politiques. Le numéro s’est vite écoulé.
Ainsi, le sort avait décidé pour La Lance. Adieu, l’avenir culturel qu’on lui avait prédit. Il fallait opérer un virage à 90 degrés. Une seule page du journal a été réservée aux évènements culturels. La politique a pris possession de la princesse.
Quoique adulée, prisée et aimée des milliers de lecteurs de l’époque, il y avait une frange qui a trouvé la satire et le niveau d’écriture « trop élevés » à son goût. Ils disaient ne pas comprendre le vocabulaire de Le Lynx. Pour ne pas perdre ces lecteurs, dans un environnement ou le journal indépendant avait le vent en poupe, il fallait créer La Lance pour donner à lire dans un style dit accessible à ceux qui ne « comprennent » pas grand-chose de la satire.
Une dynamique active
La Lance, à sa création, a bénéficié d’un appui éditorial pointu. A l’origine, le journal devait s’appeler « Le Sphinx ». Toujours inspiré, feu Assan Abraham Keita, le Directeur des Publications, a proposé que le journal porte le nom La Lance : un outil de chasse africain qui colle à notre culture et à notre identité, avait-il alors justifié. Ce qui a été aussitôt approuvé par le fondateur El Hadj Diallo Souleymane et le reste de la rédaction.
Le bébé a été bien encadré pour ses débuts par les défunts Sékou Amadou Condé, Prosper Doré et autres. Et il a heureusement survécu à toutes les zones de turbulence, marchant savamment sur les traces de son ainé « Le Lynx ». Dieu merci, il résiste toujours aux vagues et se porte comme un charme.
Bon anniversaire au javelot du mercredi !
Abou Bakr


