Après l’audit de son fichier électoral en 2018, la Guinée tendait vers un fichier électoral assaini, débarrassé de tous les doublons et de tous les mineurs. Hélas ! Puisque le Président Alpha Condé et son régime ne pourront jamais gagner une élection avec un fichier propre, ils ont saboté les recommandations de l’audit du fichier électoral lors des préparatifs du double scrutin du 22 mars dernier. Aujourd’hui, le fichier électoral guinéen est fichu plus que jamais. La révision exceptionnelle des listes électorales lancée le 20 juillet dernier pour finir le 3 août a montré le bordel le plus total qui a été semé dans le fichier électoral. Si la CENI a juré que cette opération de révision ne concernait que les 2 438 992 électeurs jugés problématiques par la mission des Experts de la CEDEAO, mis de côté à la veille du double scrutin du 22 mars, ceux qui ont eu 18 ans et ceux qui ne s’étaient jamais fait recenser, mais les réalités du terrain ont révélé un travail gigantesque qu’on ne peut pas faire en deux semaines. Même si la CENI étalait cette opération de révision sur trois mois (90 jours) comme le recommande le Code électoral révisé de 2017 toujours en vigueur, elle ne pourrait pas répondre à toutes les demandes de correction et d’inscription des électeurs.
Cette dernière révision n’a pas connu l’engouement escompté par la CENI. «J’ai l’impression que les citoyens ne sont pas informés. La CENI n’a pas sensibilisé, les partis politiques non plus. Au début, j’arrivais à recenser deux personnes par jour, mais ces dernier temps-là, je n’ai pas de personne à recenser».
Plus étonnant encore, la CENI a fait d’une pierre, deux coups. La révision s’est déroulée en même temps que l’affichage des listes définitives. On nous apprend que ne figurent sur ces listes définitives que les électeurs qui étaient autorisés à voter le 22 mars dernier. Ainsi, ceux qui ne trouvaient pas leurs noms dans ces listes devraient se faire enrôler pour pouvoir voter le 18 octobre prochain. Seulement voilà ! Plusieurs électeurs qui s’étaient enrôlés lors de la révision de 2019 ne se retrouvent pas dans ces listes définitives affichées. Ce qui veut dire qu’il n’existe plus sur la liste électorale. Pire, on constate sur cette fameuse liste définitive, des électeurs qui, à la place de leurs jours et des mois de naissance, ce sont des zéros qui sont écrites. Pourtant, ce sont des électeurs qui étaient passés devant les machines en 2019. Certains brandissent même leurs cartes d’électeur pour le double scrutin de mars dernier avec les informations bien correctes. Ils s’étonnent qu’ils retrouvent leurs noms avec des erreurs sur les listes affichées. «J’ai retrouvé des erreurs dans mes informations sur la liste définitive affichée. Ils m’ont dit de repasser devant la machine. Mais, le problème, c’est que beaucoup de gens ne savent pas que les listes sont venues avec beaucoup d’erreurs. Et qu’ils doivent repasser devant la machine pour corriger. Il y a certains qui ne retrouvent leurs noms sur la liste définitive alors ils s’y étaient fait recenser lors de la révision de 2019. Le temps est imparti», a expliqué un citoyen qui venait de se faire enrôler dans une CAERLE à Dabompa, commune de Matoto.
Autres particularités, si en 2019, les machines imprimaient les récépissés, cette fois-ci elles ne l’ont pas fait. Selon un opérateur de saisie, la machine ne reconnait pas le nouveau de type de récépissés vierges que la CENI a commandé. Donc, ils sont obligés d’utiliser le reste des anciens récépissés utilisés en 2019 pour les circonscriptions électorales qui en avaient. Dans les autres circonscriptions où ils en n’avaient pas, les membres des CAERLE remplissaient le récépissé sans photo et sans empreintes.
En un mot, cette révision a été un fiasco par l’ampleur des irrégularités constatées par-ci par-là.
Les élucubrations de Cissé !
Au lendemain de la clôture de cette révision exceptionnelle des listes électorales, le président de la CENI, Kabinet Cissé, a animé une conférence pour faire le point sur l’état d’avancement du chronogramme électoral. Entouré de ses deux vice-présidents et d’autres commissaires, Kabinet Cissé a dit ce que tous les Guinéens savaient. Notamment sur les circonstances floues de l’adoption du chronogramme de l’élection présidentielle du 18 octobre prochain. Selon lui, ce chronogramme se fonde sur les articles 43 de la Constitution falsifiée du 6 avril 2020 et 159 du Code électoral qui stipulent que l’élection présidentielle doit se tenir 90 jours au plus ou 60 jours au moins avant la date d’expiration du mandat du Président de la République en fonction. Toutefois, il a reconnu les griefs de ses collègues commissaires issus de l’opposition contre ce chronogramme. Il a estimé que ces griefs devraient les aider à améliorer les activités qui ont été planifiées dans le chronogramme. «Nous devons les considérer comme une sorte d’alerte. Depuis la sortie de cette déclaration, nous sommes en train de travailler. L’élément le plus important est que malgré ces déclarations, nous sommes très heureux de constater aujourd’hui que tous les commissaires, y compris le personnel technique de la CENI, sont en train de travailler pour l’organisation des prochaines élections. Il faut déduire de cette démarche, la maturité de l’institution et du processus électoral. Cela veut dire qu’on peut soulever des préoccupations, mais l’organisation des élections est la responsabilité de tous». Il faut rappeler que dans une déclaration en date du 6 juillet, mais rendue publique le 8 juillet, les commissaires issus de l’opposition ont dénoncé le chronogramme électoral. C’était un grand coup de bluff. Ils se sont inscrits dans une gymnastique de «désolidarisation passive.» Le boycott actif du chronogramme des sélections législatives et du référendum ayant laissé des traces.
Les activités réalisées !
Le président de la CENI soutient qu’à ce jour, plusieurs activités ont été réalisées avec succès par son institution. Il s’agit de la mise en place ou la reconduction des démembrements de la CENI (CECI, CEPI et CESPI). L’opération aurait concerné 4 916 personnes dont 155 nouveaux membres. Avec la bénédiction de la Cour Constitutionnelle. On note aussi la formation de ces démembrements sur toute l’étendue du territoire national du 2 au 13 juillet par 76 formateurs nationaux et 1 797 formateurs locaux ; le déploiement de 2 000 opérateurs de saisie, 345 superviseurs communaux, 38 coordinateurs préfectoraux et 8 coordinateurs régionaux par l’opérateur local ETI ; la mise en place de 2 000 Commissions Administratives d’Etablissement et de Révision des Listes Electorales (CAERLE), soit 10 000 personnes déployées à raison de cinq membres par CAERLE, et dont 6 000 membres ont été formés du 15 au 18 juillet ; l’actualisation du découpage administratif par le MATD et de la cartographie électorale, une opération précédée de la formation d’environ 1 000 agents issus de la CENI et des structures décentralisées ; la révision exceptionnelle des listes électorales.
Les prochaines étapes !
Il parait que les prochaines étapes du chronogramme sont : la remontée et le traitement des données de l’enrôlement au site central ; l’arrivée prochaine d’une mission d’assistance de la CEDEAO et de l’opérateur international (INNOVATRICS); la certification du module de détection des mineurs par une expertise externe ; la gestion des candidatures par Cour Constitutionnelle ; la relance du call center et le système de consultation gratuite du bureau de vote par les électeurs ; les formations des acteurs du processus (société civile et médias,…).
Abdoulaye S. Camara