La crise sanitaire liée au nouveau SARS-COV-2 (Coronavirus) qui sévit à travers le monde depuis la fin de l’année 2019 a considérablement remis en question les modèles de développement de nos sociétés. Au-delà du bilan humain particulièrement lourd (à date plus d’un million trois cent mille de cas confirmés en Afrique et plus de 31 000 décès) et qui continue à s’alourdir, la pandémie à COVID-19 a entraîné une crise économique sans précédent.

Des pans entiers de nos économies se sont arrêtés. Les économies en apparence les plus solides et les plus viables se sont avérées précaires et fragiles. Les comportements sociaux et les équilibres économiques et politiques ont été bouleversés (confinement, fermeture des frontières). Autant cette crise a surpris, autant elle nous condamne à repenser et opter pour un modèle économique qui permettra de renforcer notre capacité de résilience. 

Ce changement de paradigme nous contraint à privilégier les investissements dans les secteurs qui ont présenté d’énormes insuffisances à savoir l’éducation, la santé et le numérique :

  • Nos enfants ont été privés d’un droit qui est celui de l’accès à l’éducation par défaut de dispositif permettant un enseignement à distance ;
  • Le système sanitaire a présenté des faiblesses avec cette pandémie se matérialisant par le manque d’infrastructures hospitalières et de formation adéquate du personnel médical ;
  • Nous avons essayé tant soit peu d’assurer la continuité de nos activités par le recours au télétravail, aux webinars, aux transactions monétaires mais avec d’énormes difficultés liées à des problèmes de connexion internet : faibles débits, coût de connexion élevé, et manque d’infrastructures matériels et de logiciels adéquats.

Les indicateurs d’accès aux TIC sont au rouge, nous avons été classés parmi les derniers pays d’Afrique sur la qualité du débit d’Internet (186ème sur 207) selon le rapport publié par la Worldwide Broadband Speed League, et 183ème (sur 193) en 2020 sur l’indice de développement de la gouvernance électronique – EGDI. Le Président de la République, Prof. Alpha CONDE lors du Conseil des Ministres du 30 juillet dernier a d’ailleurs déploré la faiblesse du débit et la lenteur des connexions internent en Guinée et instruit le Ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Economie Numérique de prendre des dispositions pour remédier à ce handicap.

La Stratégie Nationale de Lutte contre la COVID-19 2020 – 2022 qui se veut plus préventive que réactive résume bien le rôle des TIC dans le contexte actuel de crise sanitaire et les met au cœur du dispositif de relance post COVID.

De ce qui précède, la pandémie à COVID-19 a suscité un regain de prise de conscience de nos entreprises, de nos gouvernants sur l’importance des TIC. Elle nous offre donc une opportunité pour bâtir une nouvelle stratégie nationale pour le développement d’une économie numérique durable, innovatrice et favorisant une croissance inclusive.

Pour élaborer cette nouvelle stratégie, que nous appelons de tous nos vœux, il faut pour cela des préalables et des étapes à respecter qui consistent à :

  • afficher une volonté politique claire et prendre des actions immédiatement ;
  • faire un diagnostic exhaustif de l’écosystème du numérique en Guinée avec la contribution des toutes les parties prenantes : autorités gouvernementales, chefs d’entreprises, scientifiques et chercheurs, étudiants, consommateurs, partenaires techniques et financiers, etc ;
  •  effectuer un état des lieux de la mise en œuvre du document de Politique et de Stratégies Nationales de Développement des Technologies de l’Information et de la Communication en République de Guinée 2016 – 2020 du MPTEN ;
  •  cerner les difficultés d’appropriation de ces outils par nos concitoyens et le niveau de préparation des secteurs prioritaires de l’économie à la transformation numérique ;
  • définir une vision claire et des objectifs précis pour une Guinée Numérique à l’horizon 2030 en lien étroit avec la vision Guinée 2040. Cette vision devra être ambitieuse et inclusive avec une forte implication de nos entreprises nationales ;
  • Enfin, mettre en place un cadre de gouvernance institutionnel efficace qui, de notre point de vue, consisterait par le choix d’une entité unique autonome et indépendante, existante ou nouvelle à créer, responsable de l’exécution et d’un dispositif de pilotage et de suivi-évaluation. Nous émulerons ainsi l’innovation et favoriserons l’émergence de nombreuses start-ups guinéennes et d’une industrie numérique locale.

La Stratégie de Transformation Numérique de l’Afrique (2020 – 2030) de l’Union Africaine est un document de référence qui pourrait être transposer dans le contexte national.  Elle « repose sur des piliers fondamentaux, des secteurs critiques pour conduire la transformation numérique et des thèmes transversaux pour appuyer l’écosystème numérique ».

Réussir la transformation numérique de notre pays est aujourd’hui une impérieuse nécessité pour notre intégration sous-régionale et régionale à l’ère de la libéralisation des échanges commerciaux intra-africains. Bref, une telle stratégie est indispensable pour éviter à notre pays d’être en marge de la 4ème révolution industrielle.

Ibrahima N’Daïry DIALLO
Ingénieur Electronique & Télécommunications
Consultant en Stratégie d’Entreprise, Business Développement et Systèmes d’Information