Ce n’est pas la première fois que les dirigeants guinéens accusent leurs opposants de vouloir déstabiliser le pays ou de renverser le pouvoir en place. L’on se souvient en effet que par un arrêt n°006 du 11 septembre 2000, la Cour de sûreté de l’État avait condamné l’actuel  Chef de l’État à cinq ans de réclusion criminelle. Il lui était reproché comme infractions l’emploi illégal de la force armée et complicité, l’atteinte à l’autorité de l’État, à l’intégrité du territoire national et complicité, violences et voies de fait sur un agent de la force publique etc.

Cette condamnation était l’aboutissement de son procès consécutif à son arrestation en décembre 1998 dans la petite localité de Pinè (Lola) située à l’orée de la frontière guinéo- ivoirienne. Pendant très longtemps, le principal opposant de l’époque avait gardé un mutisme total sur les raisons de sa présence dans cette bourgade se trouvant à un millier de kilomètres de Conakry, de surcroît, un jour d’élection. Une élection à laquelle il était candidat. Il s’est toujours contenté d’affirmer qu’en tant que Guinéen, il était libre de se rendre partout en Guinée sans en demander l’autorisation et sans rendre compte à qui que ce soit. Ce qui n’était pas faux sur le plan juridique. Ce n’est que des années après qu’il a indiqué dans son livre d’entretien : Une certaine idée de la Guinée,  les motifs de sa présence à Pinè. En dépit de faits pour le moins troublants figurant dans son dossier, bon nombre de Guinéens croient aujourd’hui encore que cette affaire n’était qu’un grossier montage dont le seul but était d’affaiblir par une détention un opposant de plus en plus dérangeant. Ils n’ont peut-être pas tort. Le doute sur cette affaire étant d’autant plus légitime que la Guinée a vécu pendant longtemps sous la « complotite ». Comme l’a dit quelqu’un les complots en Guinée relèvent de l’industrie. Il y a eu sur le plan international une vague de condamnations de ce qui avait été considéré alors comme une parodie de justice et de nombreux comités de soutien avaient été créés ça et là pour exiger  la libération de l’illustre détenu.

Devant la mobilisation des opinions publiques en Afrique et en Occident, des pressions certes discrètes mais très efficaces, ont été exercées sur les autorités guinéennes d’alors afin qu’elles procèdent à l’élargissement  de l’intéressé.

Vingt ans après cette histoire qui avait terni l’image de marque de la Guinée au plan international, on croyait en avoir fini avec les accusations de complot, de subversion, de déstabilisation. Mais, comme on le dit souvent, les habitudes ont la vie dure. Cela, d’autant plus que certains parmi ceux qui tenaient les rênes du pouvoir en 2000 et qui savent tout de cette affaire sont au sommet du pouvoir aujourd’hui encore. Il n’est donc pas étonnant qu’ils recyclent les mêmes pratiques pour jeter le discrédit sur un adversaire. C’est pourquoi, en attendant de voir clair dans cette affaire de projet de déstabilisation de la Guinée, la prudence devrait être de mise afin de ne pas céder à la psychose. Il faut espérer que dans les jours ou semaines à venir, l’État donnera des informations plus détaillées et dignes de foi sur cette affaire.

Me Mohamed Traoré

Ancien Bâtonnier