Alors que le pays est plongé dans une campagne électorale tumultueuse et que de nombreuses exactions ont été commises contre les journalistes et les médias ces derniers jours, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une escalade importante de la répression contre la liberté d’informer qui risque de jeter le discrédit sur l’ensemble du scrutin.
A moins de deux mois de l’élection présidentielle pour laquelle l’un des plus anciens présidents au monde, Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 34 ans, brigue un nouveau mandat, de nombreux journalistes ont été violemment pris à partie dans le cadre de la campagne électorale. Le 5 novembre, le réalisateur de documentaires Moses Bwayo a reçu une balle quasiment tirée à bout portant par un policier alors qu’il filmait l’un des principaux candidats de l’opposition et chanteur vedette Robert Kyagulanyi, plus connu sous le nom de Bobi Wine. Touché à la joue, le journaliste a dû être hospitalisé. Dans une lettre adressée à la ministre de l’Information, l’association des correspondants étrangers en Ouganda estime que le journaliste aurait pu perdre la vue, ou même être tué à cette occasion.
Dans son courrier, l’association dénonce aussi les accusations très graves portées par le colonel Paddy Ankunda, un agent du renseignement militaire qui a qualifié certains journalistes de la presse étrangère d’agents de la CIA. Ces messages postés sur Twitter ont depuis été effacés.
Le 18 novembre, plusieurs journalistes ont également été attaqués alors qu’ils couvraient l’arrestation de Bobi Wine, accusé d’avoir enfreint les lois relatives au coronavirus. Saif-llah Ashraf Kasirye de Radio One a été aspergé de poivre et agressé par la police alors que son confrère Sam Balikowa de City FM et Nile TV a été arrêté. Plus tard dans la soirée, Yasin Mugerwa, rédacteur en chef au Monitor, l’un des plus importants groupes de presse indépendants du pays, a été visé par un gros rondin de bois lancé par les forces de sécurité sur sa voiture.
En tout, depuis le début du mois de novembre, RSF a enregistré 17 atteintes à la liberté de la presse en Ouganda dont sept agressions, quatre arrestations arbitraires de journalistes et de multiples entraves à l’exercice de leur métier.
“Nous condamnons fermement la violence de la répression et les méthodes particulièrement brutales utilisées pour empêcher les journalistes de couvrir la campagne pour l’élection présidentielle, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Il ne peut y avoir de scrutin crédible quand la presse est attaquée de toutes parts et cette politique risque de jeter le discrédit sur l’élection à venir. Nous exhortons les autorités ougandaises à mettre fin à ces violences, à protéger les journalistes afin qu’ils puissent jouer leur rôle de témoins clés du processus électoral et à sanctionner les auteurs des violences inacceptables qui ont été commises contre eux.”
Fred Enanga, le porte-parole de la police ougandaise, n’a pas répondu aux appels et messages de RSF. Notre organisation a également écrit à Judith Nabakooba, la ministre de l’Information de la Communication et des Nouvelles technologies, afin de lui demander de prendre publiquement la défense des journalistes et de veiller à ce que les auteurs des graves violences commises contre eux soient sanctionnés.
En 2019, plus d’une douzaine de médias audiovisuels avaient reçu l’ordre de ne plus diffuser en direct les images d’intervention de la police à la suite de l’arrestation de l’opposant Bobi Wine et de la répression contre les opposants à la taxe introduite sur les réseaux sociaux.
Depuis la dernière élection présidentielle en 2016, l’Ouganda a perdu 23 places et occupe désormais la 125e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
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