Quelque 43 ans après sa disparition, l’œuvre musicale de feu El Hadj Sory Kandia Kouyaté demeure présente dans nos esprits. Décédé à l’âge de 44 ans sans avoir épuisé les réserves de son immense talent, feu Sory Kandia Kouyaté a connu un succès précoce. En 1956, à l’âge de 23 ans, il obtient sa première consécration internationale à Paris aux Champs Elysées, où il chanta l’Afrique devant le président de la République française d’alors René Coty.
Kandia est né en 1933 à Manta, dans la sous-préfecture de Bodié, à Dalaba. Il est l’unique survivant d’une fratrie de trois âmes. On le prénomma Ibrahima, du nom de son grand-père maternel. Il prit le nom de Kandia pour marquer le profond respect que l’on devait aux anciens, aux personnes âgées. Ainsi apparut son appellation de Kouyaté Sory Kandia. Né de parents artistes, le jeune Kandia a grandi dans ce moule familial, ce qui lui a permis de maîtriser son art.
La consécration internationale survint en 1956 à Paris où, aux Champs-Élysées, il chanta l’Afrique devant le président de la république française d’alors, René Coty. En 1956, sortie de ses premiers disques qui devinrent vite des succès : Nina, Malissadjo, Toubaka. Au cours de la même année, à 23 ans, Sory Kandia Kouyaté continua à donner la preuve de son talent à Dakar lors de la cérémonie inaugurale du palais du Grand Conseil de l’AOF, l’Afrique occidentale française. A la suite de quoi, il quitta les Ballets africains de Kéita Fodéba pour former sa propre troupe.
En 1957, il obtient le premier prix du Festival de Bamako (République du Mali).
En 1958, la Guinée accède à l’indépendance et fit son entrée à l’ONU. A New York, au siège de l’Organisation internationale, Sory Kandia, devant les drapeaux des 82 Etats membres, entonna l’hymne national de son pays, hymne intitulé Liberté. La même année, Sory Kandia réintégra les Ballets Africains de la Guinée. En 1959, à la demande de la république du Mali, Kandia composa, arrangea et chanta l’hymne national du Mali.
A partir de 1960, il fut nommé directeur de l’Ensemble instrumental et choral de la radio diffusion nationale de Guinée. En 1961, éclatante réussite au Festival mondial de la jeunesse des étudiants d’Helsinki. L’année suivante, il fit une tournée en Tanzanie, Ouganda, Nigeria, Sierra Leone et le Sénégal. En 1969, Sory Kandia triompha au Festival panafricain d’Alger, où la Guinée remporta la médaille d’or du ballet, la médaille d’argent du chœur, d’orchestre moderne, de la pièce de théâtre et d’ensemble instrumental et choral. Sory Kandia lui-même reçut la médaille d’honneur d’argent de chanteur soliste. En 1970, cerise sur le gâteau, c’est la plus grande consécration internationale de la chanson avec le disque d’or de l’Académie Charles Cros de Paris. Trois ans plus tard en 1973, il décroche la médaille d’argent au premier Festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Berlin. La même année, il enregistre sa plus grande œuvre musicale pour la postérité » les trois volumes de l’Epopée du mandingue ».
L’histoire retiendra, d’un cachet indélébile, le rôle joué par Kandia pour réconcilier les deux peuples frères malien et burkinabé qui étaient prêts à en découdre avec les armes, en 1975.
En 1977, année de sa mort, au FESTAC de Lagos, Sory Kandia s’imposa à merveille et s’affirma comme l’un des grands ambassadeurs du patrimoine musical africain.
Dans l’ouvrage que son fils aîné, Dr Mamadou Kouyaté, ( qui nous a quittés le 13 août dernier) a consacré à feu son père, l’on peut lire les circonstances du décès de El Hadj Sory Kandia Kouyaté : » C’est après un spectacle d’un concert géant de 3 heures sans interruption à Coyah, préfecture située à 50 km au nord de Conakry que les premiers malaises se manifestèrent. Il s’agissait de douleurs précordiales et épigastriques sur le chemin du retour à Conakry, précisément au km 36, à 3 h15 du matin. Les douleurs étaient si vives que le chauffeur arrêta le véhicule, il s’étendit à même le sol pour quelques moments de soulagement. Après une période d’accalmie, il fut immédiatement conduit au centre hospitalier universitaire de Donka pour être reçu aux environs de 3 h55. Le temps de l’examiner et de prendre la décision des soins, il décéda à 4h05, le 25 décembre 1977, suite à un infarctus du myocarde à l’âge de 44 ans. Aussitôt informés par le chauffeur qui le déposa, nous nous rendîmes à l’hôpital. Les premières personnes à être sur les lieux étaient : Pr Mamadou Kaba Bah, ministre de la santé, Dr Mamadou Saliou Yembéring Diallo, chef service de médecine interne et El Hadj Alpha Mamadou Sow dit « Sow Fruitex ».
Ils prirent la décision de téléphoner immédiatement au président Ahmed Sékou Touré qui arriva à la morgue de l’hôpital aux environs de 5h. Comme une traînée de poudre, la triste nouvelle se répandit et toute la ville fut endeuillée. C’est le président Ahmed Sékou Touré en personne qui annonça la triste nouvelle au peuple de Guinée et au monde par un communiqué à la radio, la « Voix de la révolution ».
Thierno Saïdou Diakité