On le sait. Le 15 janvier, le prési Alpha Grimpeur a recyclé Ibrahima Cas-Sorry Fofana pour le poste de Premier ministre, chef du gouvernement. Depuis, les réactions se succèdent.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la montagne a accouché d’une souris. C’est ce qu’a affirmé Karamo Mady Camara, juriste et analyste politique, ce mardi 19 janvier, invité dans l’émission Œil de Lynx. Selon ce juriste, l’on s’attendait à beaucoup mieux, parce que «le président de la République avait annoncé les couleurs sous les auspices d’un changement qui aurait pu marquer la rupture avec ce que nous avons connu jusqu’ici. Mais aussi parce que le temps d’attente a été très long. Nous avons estimé qu’il se faisait un travail ardu pour aboutir à des résultats qui allaient véritablement répondre aux attentes des concitoyens. Malheureusement on n’a pris du vieux pour faire du neuf. Ce qui est décevant, on constate en réalité que la structure gouvernementale telle qu’elle a été présentée est en fait celle qui existe aujourd’hui».
Ensuite, «l’on remarque que la présentation qui a été faite n’obéit pas au consensus qui se fait traditionnellement, c’est-à-dire présenter les départements en raison de leur importance. Malheureusement, on n’a plutôt fait une présentation en tenant compte des personnes qui vont meubler ces départements. En d’autres termes, l’on voit transparaître déjà dans cette structure qui a été établie, les personnes qui occupent ces différents portefeuilles».
La troisième chose qui est aussi un motif de déception pour M. Camara, c’est le nombre pléthorique des membres du gouvernement. «Je crois que nous sommes sous le choc de 2 crises politique et sanitaire. Il aurait mieux fallu dans une situation de difficultés économiques réduire l’équipe gouvernementale pour minimiser les charges de l’Etat». Trente-six départements ministériels pour un pays qui souffre économiquement, M. Camara trouve que c’est un très mauvais choix. «La lecture de ce choix est simplement que le président de la République marque encore une fois son attachement à ce qui a toujours été l’élément caractéristique de sa gouvernance, c’est-à-dire la récompense. Il fallait créer beaucoup de départements ministériels pour pouvoir contenter le maximum de personnes. Sinon si l’on était porté véritablement sur les efforts de lancer les bases d’un développement sérieux, on aurait eu un gouvernement resserré avec des départements très structurés confiés à des personnes d’une compétence avérée. C’est vrai que nous ne connaissons pas qui va meubler les différents départements mais la structure ne rassure pas pour le moment», fulmine-t-il.
Il considère comme un acquis la suppression des ministères d’Etat et la fusion de certains ministères. «Il faut dire en soi que le ministère d’Etat n’existe pas. C’est un titre qui est accordé à celui qui occupe un ministère. Vous verrez par exemple que, dans la nomination des différents ministres certains porteront bien le titre de ministre d’Etat. Mais en soi, il n’y a pas de ministère d’Etat. Sur les ministères qui ont fait l’objet d’éclatement, il y a eu effectivement le ministère de la culture qui a été scindé en deux et cela conforte. Il fallait éclater pour donner la chance à plusieurs personnes de pouvoir faire leur entrée au gouvernement, sinon il n’y a aucune raison de pouvoir scinder ce ministère. L’agriculture et l’élevage ont certes été fusionnés mais ça compense l’éclatement du ministère de la Culture et des Sports. Donc, cela veut dire qu’il y a simplement eu une sorte d’équilibrisme mais en restant sur les mêmes fondements», l’analyste.
Selon Karamo Mady Camara, il y a des ministères qui ne méritent pas d’exister, car l’essence de leur mission dans les attributions d’autres départements qui existent déjà. Par exemple, le ministère de la promotion des droits et de l’autonomisation des femmes. «Je pense que c’est un département qui aurait pu coupler celui de l’action sociale et de promotion féminine et même des personnes vulnérables. Le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage sont des départements qui peuvent aller ensemble aussi. Vous avez des ministères comme celui des Hydrocarbures qui n’ont pas de raison d’exister. La Guinée n’est pas un pays producteur, nous sommes un pays importateur. Nous commercialisons ce que nous importons, donc ce ministère aussi ne méritait pas d’exister. Il y a ensuite d’autres départements comme celui des partenariats publics-privés qui peuvent être intégrés dans des départements comme celui de l’industrie, de la promotion du secteur privé. Le partenariat privé, c’est la promotion du secteur privé. Et il y a beaucoup d’autres ministères pour donner une force beaucoup plus percutante à l’économie. Il faut cumuler le Budget et l’Economie, parce que la politique monétaire et la politique budgétaire vont de pair ».
Kadiatou Diallo