Scandale agricole avec six millions d’hectares aménageables, la Guinée continue pourtant à importer du riz (681 080 tonnes en 2018 pour 220, 28 millions de dollars). Les paysans n’ont pas accès aux intrants ni à des fonds d’investissement pour soutenir la consommation locale. Grace au FIDA, Fonds international de développement agricole, les paysans tentent de vivre de l’agriculture.
Le gouvernement avec l’aide des partenaires, notamment le FIDA, a mis en place des projets pour répondre aux besoins des paysans : accès à des équipements, des intrants, des techniques d’étuvage, de stockage ou de semences pour fructifier le rendement. Le gouvernement guinéen a sollicité le concours du FIDA pour préparer et financer le projet Programme national d’appui aux acteurs des filières agricoles (PNAAFA, Basse-Guinée et Faranah), mis en place de 2015 à 2019 avec un financement de 23 millions de dollars s’est achevé en décembre 2019, définitivement clôturé en juin 2020. Le projet, selon nos informations recueillies auprès du FIDA, a donné des résultats suivants : 1 à 2,4 tonnes par hectare pour le riz, 3 à 28 t/ha pour la tomate, 2 à 14 t/ha pour l’oignon, 2,5 à 19 t/ha pour le piment et 3 à 46 t/ha pour l’aubergine violette. Pendant sa mise en œuvre, le projet PNAAFA a signé des conventions avec les radios rurales et les directions préfectorales de l’Agriculture en collaboration avec les services météorologiques qui diffusent des appels et bulletins météorologiques pour annoncer le début de la campagne agricole.
Agrifarm
Après le projet PNAAF, un autre a été mis en place : AgriFARM (Agriculture Familiale, Résilience et Marchés), actuellement en cours et un autre. L’objectif est d’améliorer la contribution de l’agriculture familiale au développement économique national, tout en assurant la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages ainsi que leur résilience aux chocs notamment le changement climatique, explique le FIDA en Guinée. Le projet couvre 15 préfectures de la Haute et Moyenne-Guinée : Dabola, Dalaba, Dinguiraye, Gaoual, Kankan, Kérouané, Koundara, Koubia, Kouroussa, Lélouma, Mali, Mamou, Mandiana, Siguiri, Tougué. «Ces préfectures sont sélectionnées sur la base de critères pertinents : indice de pauvreté, potentiel de production de céréales et des opportunités de marchés et la présence d’acteurs économiques. Le projet cible les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap, les migrants de retour et les organisations paysannes ». Le projet AgriFARM est organisé en deux composantes : renforcer l’agriculture familiale durable par l’aménagement de bassins de production pour améliorer la productivité agricole, renforcer les capacités des organisations et associations rurales. La deuxième composante : accès aux marchés pour écouler l’excédent, cela passera par la construction ou la réhabilitation de marchés (demi-gros), de centres de collectes et de pistes rurales. A terme, selon le FIDA en Guinée, le projet vise à accroître durablement les revenus de 65 000 exploitations agricoles familiales (455 000 personnes environs), leur résilience aux chocs extérieurs dont les changements climatiques, ainsi que leur accès aux marchés locaux, urbains et régionaux dans les 15 préfectures ciblées. Ainsi chaque activité doit bénéficier au minimum à 40% de jeunes et au minimum 40% pour les femmes. Le projet AgriFARM sur 6 ans, coute 97,1 millions de dollars US dont 14,1 millions de dollars de la Guinée en exonération de taxes.
Le FIDA en Guinée vise les ménages impliqués dans l’agriculture familiale dont les ménages « vulnérables et extrêmement vulnérables, les femmes, les jeunes (18 à 35 ans) et aux personnes vivant avec un handicap dans les zones rurales ». Les surfaces qu’ils exploitent sont relativement petites allant de 0,3 à 1,5 hectares, avec des sols peu fertiles.
Le projet PNAAFA s’est attelé à aider les paysans à vendre leurs productions par la réhabilitation de 128,39 km de pistes et 7 ponts pour relier 173 zones de production à 35 marchés hebdomadaires; construction de 70 magasins pour réduire les pertes post-récoltes et 10 complexes d’étuvage améliorés pour transformer le riz avant sa commercialisation; mise à disposition des milliers de cageots emboitables pour faciliter le transport et la commercialisation de la tomate; subvention des tricycles motorisés pour faciliter le transport des produits agricoles de la zone de production aux marchés ; mise en relation entre producteurs et transformateurs dans le cadre de la commercialisation; mise en place d’un fonds de commercialisation de près de 300 millions de Gnf. « Ces actions vont se poursuivre avec le projet AgriFARM à travers sa seconde composante « Accès aux marchés ». Il s’agit d’améliorer l’accès aux marchés pour les exploitations agricoles familiales par la construction de 17 marchés de collecte et 4 marchés de demi-gros (Koin, Dounet, Dabola et Djelibakoro) de produits agricoles dans les 15 préfectures ciblées, la réhabilitation 600 km de pistes rurales et la réalisation de ponts. La construction d’infrastructures de marché, de stockages et de transformations ainsi que la construction et réhabilitation de routes rurales vont permettre de limiter les pertes post-récoltes.
Coup de pouce
Pour les paysans, c’est une bonne affaire. Les multiples campagnes agricoles du gouvernement n’ont pas permis de faire bouger les lignes. Mais avec ces projets, les paysans sont soulagés.
Fodé Camara, assistant technique de la Fédération des Riz de la Basse-Guinée basé à Dubréka témoigne. Sa fédération regroupe 11 unions, 56 groupements pour 1 177 personnes dont 977 femmes. «Le FIDA a renforcé les capacités des paysans par des formations en alphabétisation, en technique d’étuvage amélioré, en décortication et dépannage des machines, en bonne gouvernance. L’alphabétisation a surtout été bénéfique, cela a permis aux paysans de tenir des registres et ainsi assurer le suivi des cotisations. On fait des cotisations, mais cela ne suffisait pas à couvrir nos besoins. Le FIDA a mis 300 millions comme fonds de commercialisation à la disposition de fédération. Ce montant nous a permis de payer du riz à transformer et vendre». À part ce montant, le FIDA a donnés 30 étuveuses à la fédération, les paysans n’ont payé que 10% du prix et le FIDA, le reste», dit-il. Selon M. Camara, le FIDA a également donné des décortiqueuses de bonne qualité pouvant travailler jusqu’à 4 ans. «On avait des décortiqueuses 1 110, le FIDA a donné sept décortiqueuses. Cela a amélioré la qualité et la quantité de riz à décortiquer. Les paysans se sont acquittés de 50%».
Pour M. Djiba Tounkara, Président de l’Union Riz Nérica de Faranah, l’aide du FIDA a permis de multiplier par 4 la capacité agricole de son groupement : «Notre groupement cultivait 12 ha, avec le FIDA nous parvenons à cultiver 50ha. On a eu une clôture, un terrain de battage de riz et un espace de séchage. Nous avons appris à aménager des bas-fonds, nous pouvons nous mêmes transmettre ce savoir. Grace au FIDA, d’autres paysans achètent la semence avec nous. On ne savait pas garder la semence très longtemps». Selon lui, son groupement sait conserver maintenant les semences pour la saison suivante et peut même vendre une partie à d’autres paysans. Même qu’avec le FIDA, son groupement a bénéficié de 25 km de piste rurale pour écouler la production, huit magasins pour les maraichers. «Jamais il n’y avait eu de magasin à Faranah. Depuis Sékou Touré, même avec la campagne agricole, on n’avait pas eu de magasin». Djiba Tounkara explique que son groupement sait sélectionner la semence, récoltée, étuvée et il aimerait que le FIDA les aide à aménager d’autres domaines parce qu’il y a encore des espaces aménageables.
Sayon Saran Condé, secrétaire de l’Union de Nabalo étuvage Faranah : « On avait des marmites de 15 à 20 kg, avec 200 kg à étuver. On passait des mois. Cela nous obligeait à consommer les bénéfices et même le capital parfois. Depuis l’arrivée du FIDA qui nous a dotés de matériels d’étuvage, maintenant on peut étuver dix sacs de riz de 100 kilos en 5 jours. On peut vendre cela et passer à l’opération suivante. Nous avons maintenant des fonctionnaires qui nous commandent de grande quantité de riz. Etuver dix sacs en 5 jours nous permet d’acheter d’autres sacs à étuver. Cela nous facilite la tâche, nous permet de vivre et mettre de l’argent dans notre caisse. Maintenant, nous vivons de notre travail ». Selon Dame Saran Condé, le FIDA les a aidés à avoir des brouettes de 500 000 Fg en ne payant que 50 000 Fg. Le FIDA a payé les 450 000 francs guinéens. La décortiqueuse est à 15 millions, le FIDA a donné la moitié du prix et l’union, l’autre moitié.
Force est de constater que cette aide reste tout de même très limitée. L’Etat devrait s’efforcer d’aménager les bas-fonds, subventionner les intrants et former les paysans pour atteindre l’autosuffisance alimentaire dont on parle tant.
Oumar Tély Diallo