En Guinée, les agressions sexuelles sur les prépubères et les adolescentes ne finissent pas. Le 8 mars, à la faveur de la Journée internationale des femmes, Pr. Hassan Bah, responsable du service médecine légale de l’hôpital Ignace Deen, invité des ‘’GG’’, a fait l’état des lieux. Au cours de l’année écoulée, 367 agressions sexuelles ont été enregistrées à l’hôpital Ignace Deen, dont 181 cas sur mineures, 28 cas d’inceste. De janvier à février 2021, 107 cas de d’agressions sexuelles, dont 77 sur mineures et 5 cas d’inceste ont été enregistrés.
«On s’est raisonnablement posé la question sur l’état mental de ces agresseurs. Nous avons mené une étude sur des suspects de viol, détenus dans les centres d’arrêts. Il en a résulté que 50% des auteurs disposaient de toutes leurs capacités mentales, 15%, des malades réels et 35 % liés à une addition avec l’alcool et la drogue », explique le médecin légiste. Et de dénoncer une inadéquation entre les conclusions médicales et les décisions de justice. Selon lui, ce ne sont que 10% d’auteurs d’agressions sexuelles condamnés qui purgent leur peine. «90% étaient libérés. J’entendais que ce sont des désistements, mais on ne peut désister dans une procédure pénale», s’indigne Pr Hassan Bah, avant de préconiser « une vraie » politique de prévention et de lutte contre les agressions sexuelles en Guinée.
Il est difficile de dénombrer toutes les victimes d’agressions sexuelles dans notre pays, car toutes les victimes n’entendent pas se faire examiner par un médecin ou déposer une plainte, vu les pesanteurs socio-culturelles. «Ce sont celles qui ont décidé de rompre le silence de la violence en portant plainte à la justice, à la gendarmerie ou à la police que nous recevons. Nous examinons les victimes, parce qu’en matière pénale, la preuve matérielle est importante. C’est un élément constitutif de l’infraction pénale. Donc, en tant que médecin, nous vérifions s’il y a un élément matériel du viol allégué. Nous rédigeons des rapports pour remettre au juge qui qualifie le viol. Dans le cadre de violences faites aux femmes, il appartient également au juge de déterminer la qualification, compte tenu de la gravité de la légion que nous avons observée », ajoute le Professeur.
«Santé reproductive comprise»
Pr Hassan Bah regrette le fait que c’est si seulement si les victimes éprouvent des légions graves (saignement ou douleurs) qu’on les emmène à l’hôpital. «Une fistule lors du viol entraîne énormément de problèmes sur la réparation pendant la chirurgie. Par la suite, les victimes peuvent naturellement avoir des problèmes de santé reproductive, notamment de conception, de gestation et d’accouchement. Leur santé de reproduction se trouve compromise à cause de l’agression sexuelle dont elles ont été victimes. Mais, le tout n’est pas les légions que l’on voit, il faut aussi penser côté psychologique qui est une légion invisible. Elles en souffrent réellement. Il y a des filles qui ont tenté de se suicider à cause d’agressions sexuelles», renchérit-il.
Yaya Doumbouya