Tableau du Sénégal d’hier : expérience du multipartisme à l’aube des années 1980, absence de coup d’Etat militaire, dévolution démocratique du pouvoir et alternance politique des années 2020,…Traque d’opposants, émeutes monstres, arrestation du principal opposant, Ousmane Sonko, probable candidat aux élections présidentielles de 2024, morts de manifestants. Portait du Sénégal d’aujourd’hui.
Situation du Bénin d’hier : premiers soulèvements en faveur du multipartisme et conférence nationale souveraine réussie en 1990, transition démocratique exemplaire, liberté de la presse, justice constitutionnelle aux décisions courageuses et protectrices des droits de l’homme et garante des institutions démocratiques,… Révision constitutionnelle au forceps, musellement de l’opposition, organisation d’élections non consensuelles, arrestation de l’opposante Reckya Madougou, candidate aux élections présidentielles de 2021.
Cadre du Bénin d’aujourd’hui. Que s’est-il passé pour que ces deux pays phares en matière de démocratie et de respect de droits de l’homme en Afrique de l’ouest francophone, zone de prédilection de régimes peu regardant en ces deux matières, puissent tomber dans ce recul démocratique et de violation des droits fondamentaux ? Cette question est bien légitime. Ces îlots de démocratie et ces havres des droits de l’homme ont malheureusement enregistré d’importants reculs dans ces domaines.
Ces exemples et contre-exemples indiquent à souhait une constance consubstantielle de la démocratie et du respect des droits de l’homme. Ces deux concepts obéissent à l’idée d’un processus qui peut connaitre des avancées mais aussi enregistrer des reculs, selon que les principaux acteurs agissent ou non pour leur consolidation et leur respect. Dans les exemples sénégalais et béninois, une autre constance demeure: à chaque fois que le
processus démocratique est en recul et à chaque cycle de violation des droits de l’homme, les
acteurs de ces deux pays se sont levés et se lèvent pour sonner la fin de la recréation, les populations à la base tout comme les élites. En témoignent l’appel des intellectuels sénégalais dans leur dernière tribune, la sortie de Felwine Sarr sur les dérives démocratiques, l’appel du Médiateur de la République, Alioune Badara Cissé, demandant au Président Macky Sall de parler aux Sénégalais, la déclaration responsable du Président Wade, conseillant son prédécesseur de ne pas écouter ceux qui prônent le musellement des opposants et le discours d’apaisement des dignitaires de confréries religieuses pour le cas sénégalais.
Au Benin, on note le même discours au Président Patrice Talon pour le respect de la démocratique et des droits de l’homme de la part des populations et des élites.
En somme, en tant que processus, la démocratie requiert un combat constant et les droits de l’homme, en tant que droits subjectifs et créances de l’individu face à l’Etat débiteur, exige une constante vigilance ; des actions de tous les instants à entreprendre de la part des acteurs.
La prise de position ferme des élites et des populations sénégalaises et béninoises pour le respect du processus démocratique et des droits de l’homme et l’attribution du Prix Mo Ibrahim 2020 au Président nigérien Mahamadou Issoufou pour avoir respecté les règles de dévolution du pouvoir constituent en soi un motif d’espoir dans le landerneau politique francophone ouest africain.
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Université Laval/ Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour