L’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, semble être sur la voie du retour au pays après avoir été définitivement acquitté par la Cour pénale internationale des accusations de crimes de guerre.
La décision rendue met fin à une saga juridique qui a empêché Gbagbo, 75 ans, de s’exprimer pendant près de dix ans, ouvrant la voie à un retour triomphal, selon ses partisans. Personnage profondément divisé, Gbagbo a été traîné devant la CPI après avoir été chassé du pouvoir en avril 2011 à la suite d’une guerre civile qui a fait quelque 3 000 morts, déclenchée lorsqu’il a refusé de reconnaître sa défaite électorale.
Les partisans de Gbagbo, qui ont longtemps clamé son innocence, ont fait campagne pour son retour rapide, arguant qu’il permettrait de panser les plaies du pays. « Je suis très émue, je suis très fière, c’est fini », a déclaré Victorine Tiebesson, membre du Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo, qui s’est jointe à plusieurs dizaines d’autres partisans pour célébrer après l’annonce du verdict à La Haye. « Il va bientôt nous revenir – c’est le chaînon manquant de la réconciliation en Côte d’Ivoire ». Armand Ouegnin, un législateur qui dirige une coalition pro-Gbagbo dont le FPI est la principale composante, a déclaré que le président Laurent Gbagbo « n’a jamais été un criminel. » « Il reviendra pour aider à la réconciliation nationale », a-t-il dit. « Il fera un retour triomphal ». Un ton tout aussi positif a été donné par Henri Konan Bédié, qui dirige le parti d’opposition PDCI. Autrefois rival de Gbagbo, aujourd’hui allié, Bédié a déclaré que l’acquittement de Gbagbo et de son ancien bras droit, Charles Ble Goudé, « contribuerait à l’apaisement des tensions » dans le contexte politique troublé de la Côte d’Ivoire. La CPI a également confirmé l’acquittement de l’ancien chef de la milice des jeunes, Charles Blé Goudé, qui a déclaré qu’il espérait désormais un « geste » de la part des dirigeants ivoiriens – « une amnistie ou un pardon » – afin que « le président Laurent Gbagbo et moi-même puissions rentrer chez nous ».
M. Gbagbo a été chassé après dix ans de pouvoir par le président actuel, Alassane Ouattara, à la suite d’un conflit de plusieurs mois qui a fait plusieurs milliers de morts et divisé le pays selon des lignes nord-sud. Il a toutefois conservé un fort soutien dans son pays, malgré les années passées derrière les barreaux à La Haye, ainsi que le temps passé à Bruxelles, où il attendait l’issue d’un appel contre son acquittement en 2019. C’est l’année dernière que Gbagbo s’est positionné pour un retour potentiel. Se présentant comme une figure conciliante, il a mis en garde contre le risque de « catastrophe » alors que des nuages de tempête s’accumulaient avant les élections présidentielles.
Des dizaines de personnes sont mortes dans les troubles qui ont suivi l’annonce par M. Ouattara de sa candidature à un troisième mandat – un projet qui, selon ses détracteurs, bafoue les limites constitutionnelles du mandat présidentiel. Au lendemain d’un vote presque universellement boycotté par l’opposition, M. Ouattara a tendu une branche d’olivier à son ancien rival. Il a déclaré que Gbagbo avait un rôle à jouer dans la réconciliation et lui a remis deux passeports, dont un passeport diplomatique. Alors que l’ambiance s’améliorait, le FPI de Gbagbo a participé aux élections législatives ce mois-ci, rompant ainsi un boycott de dix ans.
La colère des victimes
Le RHDP de Ouattara n’avait pas encore réagi officiellement jeudi 1er avril à l’acquittement de Gbagbo. Mais une profonde méfiance persiste à l’égard de Gbagbo parmi les Ivoiriens qui estiment qu’il a plongé son pays dans le chaos. L’acquittement « est une décision qui consacre l’impunité – les victimes estiment qu’elles ont été baladées par la justice », a déclaré Issiaka Diaby, qui dirige un groupe de campagne des victimes appelé CVCI. « Mon camion a été brûlé. Il y a quatre balles dans ma tête, donc je suis une victime. Mais quand je lis le Coran, je pardonne à celui qui a fait le mal. Le mal est déjà fait. J’étais bien. J’ai perdu un œil. Une balle est entrée dans mon œil », a déclaré Adama Bakayoko, un survivant des violences de 2010.
La décision de la CPI blanchit définitivement Gbagbo de quatre accusations de crimes contre l’humanité, dont des meurtres, des persécutions et des viols commis pendant le conflit. Il n’est cependant pas totalement sorti de l’auberge juridique. Techniquement, il pourrait être emprisonné à son retour, ayant été condamné par contumace à une peine de 20 ans pour avoir « pillé » la succursale locale de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest à l’époque. Mais ce scénario semble peu probable. « Arrêter Laurent Gbagbo et l’envoyer à la Maca (la principale prison d’Abidjan) est difficile à imaginer », estime l’analyste Sylvain N’Guessan. « Cela créerait des problèmes, alors que l’humeur actuelle est de faire baisser la tension politique. »