On l’avait déjà écrit : bien qu’opposés, les présidents sénégalais et guinéen convergent à bien des égards dans leurs méthodes de museler leurs oppositions respectives. Ousmane Sonko et Cellou Dalein Diallo, respectivement adversaires de Macky Sall et de Alpha Condé subissent le même sort : tous deux sont interdits de sortie de leurs territoire, pour rallier la capitale togolaise, Lomé. Ils y étaient conviés pour prendre part à un colloque sur l’avenir du Franc des colonies d’Afrique francophones (FCFA) et le projet de nouvelle monnaie Eco devant remplacer, dans l’espace CEDEAO, la première considérée comme l’un des derniers vestiges de l’impérialisme et de la Françafrique.
Au-delà de leur statut d’homme politique, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et celui du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) sont des habitués des questions économiques. Même si Cellou Dalein Diallo a une position moins tranchée à propos du débat sur le FCFA que Ousmane Sonko qui avait fait de ce sujet controversé un de ses principaux axes de campagne lors de la présidentielle sénégalaise en 2019.
Sonko sous contrôle judiciaire
Mis en examen pour des accusations de viol sur une employée de salon de beauté dakarois, le leader du Pastef est soumis, depuis le 8 mars dernier, à un contrôle judiciaire. Sa demande de sortie du territoire déposée le 17 mai a été rejetée par le procureur de la République, puis le juge d’instruction Abdoulaye Assane Thione. Selon un communiqué de la défense d’Ousmane Sonko, le juge a motivé son refus par «l’absence de mainlevée du contrôle judiciaire » et par le fait qu’«Ousmane Sonko n’a pas encore été entendu au fond pour s’expliquer sur les accusations formellement portées à son encontre par la partie civile», écrit Jeune Afrique. «L’audition au fond de M. Sonko n’a aucun rapport avec la mesure de contrôle judiciaire», a regretté Me Bamba Cissé, un autre avocat de Sonko, cité par l’Agence France-Presse. Indépendamment du bien-fondé des accusations et des arguments invoqués pour l’empêcher de sortir du Sénégal, lui, au moins, sait ce qu’on lui reproche et qui le poursuit.
Dalein et UFDG face à l’arbitraire
Normalement, quand la police interpelle quelqu’un, elle lui en communique instantanément les motifs. Cellou Dalein et ses proches (sa femme, Halimatou et son vice-président, Fodé Oussou Fofana) n’ont appris, l’un après l’autre, la restriction de leur liberté de mouvement qu’à l’aéroport. Comme si, pour eux, voyager était subitement devenu une infraction. Pourquoi ne peuvent-ils pas voyager (hors du pays) ? Qui les poursuit et pourquoi ? Aucune réponse, ni pour eux ni pour l’opinion nationale. C’est l’omerta. La loi du silence, pour ne pas dire du plus fort.
Et pourtant, avant d’interpeller et d’envoyer en prison les autres membres et allié de l’UFDG (Ibrahima Chérif Bah, Ousmane Gaoual Diallo, Abdoulaye Bah, Etienne Soropogui et Cellou Baldé), la justice avait été très loquace. Sidy Souleymane Ndiaye, procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn, avait éloquemment égrené, en plein journal de 20h30 de la Télévision nationale, les chefs d’accusation qui pèsent sur eux.
Et subitement, le voilà qui donne sa langue au chat une fois qu’on l’interroge sur l’interdiction de voyage imposée à Cellou Dlaien Diallo et ses proches. De son vivant, Lansana Sangaré, ancien procureur du tribunal de première instance de Mafanco, avait gardé le même silence. Le gouvernement quant à lui évite le sujet qualifié prétendument de judiciaire. «Le Procureur de la République près le tribunal de première instance de Mafanco qui nous a reçus, mon confrère Pépé Antoine Lama et moi, nous a dit qu’il existe une mesure d’interdiction de sortie du territoire contre Cellou Dalein Diallo. Mais il ne nous a montré aucune copie de cette décision malgré notre insistance. En réalité, cette décision n’existe pas et n’a jamais existé. C’est juste quelqu’un qui donne des instructions verbales», confiait récemment Me Mohamed Traoré, un des avocats du président de l’UFDG. C’est apparemment les humeurs du pouvoir qui font loi.
Diawo Labboyah