Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision disproportionnée après que le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso a décidé de suspendre, pour cinq jours, les programmes de radio et de télévision du groupe de médias Omega à la suite de la diffusion d’informations jugées erronées.
Les deux stations de radio et la chaîne de télévision du groupe de médias privé burkinabè Omega ne diffuseront que de la musique durant cinq jours. Le Conseil supérieur de la communication (CSC), l’organe de régulation des médias, a suspendu les activités du groupe du 8 au 13 juin après la diffusion de «fausses informations» liées à l’attaque terroriste du 4 juin dernier à Solhan (province de Yagha), la plus meurtrière enregistrée depuis le début des violences jihadistes en 2015, dans l’est du pays.
Le groupe avait transmis plusieurs informations jugées erronées par le CSC, dont celle que les assaillants étaient retournés sur les lieux du massacre, un élément qui avait pourtant été confirmé par le maire du village, ainsi que celle de l’attaque présumée d’un car ayant fait une quarantaine de morts. Le média est ensuite revenu sur ces informations – sur la première à la suite d’informations différentes publiées par l’armée, sur la seconde en précisant avoir rédigé l’article «au conditionnel.»
Contacté par RSF, le directeur général de la radio, Ouezzin Louis Oulon, dénonce une décision «disproportionnée, abusive, précipitée et partiale», et souligne que d’autres médias ont diffusé ces informations sans avoir subi le même traitement. Joint par notre organisation, le CSC a réagi en affirmant que d’autres stations seraient auditionnées prochainement. Le correspondant de Radio France Internationale (RFI), Yaya Boudani, a fait l’objet d’une audition sur le sujet cette après-midi.
«Cette décision de suspension est exagérée, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest à RSF, Assane Diagne. Le groupe de médias ne méritait pas une telle sanction, d’autant qu’il a fait preuve de sa bonne foi en prenant des dispositions pour corriger les informations jugées mauvaises initialement diffusées. Cette suspension envoie un signal particulièrement inquiétant pour la presse privée, dans un pays pourtant considéré comme un exemple régional en matière de liberté de la presse.»
En juin 2019, le Code pénal burkinabé avait été modifié, permettant aux autorités de sanctionner lourdement les infractions d’infox et de «reportages sur le terrorisme et les forces de sécurité qui pourraient avoir pour conséquences de compromettre l’ordre public et la conduite des opérations sécuritaires.»
L’exercice du journalisme devient de plus en plus dangereux et difficile au Burkina Faso, qui n’est pas épargné par la présence de groupes armés. A la fin du mois d’avril, David Beriain, grand reporter de guerre, et le cameraman Roberto Fraile, tous deux de nationalité espagnole, ont été tués par des hommes armés non identifiés alors qu’ils se rendaient en reportage dans la réserve naturelle de Pama, dans l’est du pays.
Le Burkina Faso occupe la 37e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.
Reporters Sans Frontières