Pour faire face à une troisième vague virulente et meurtrière, la Guinée a durci un peu plus les mesures sanitaires contre le Covid-19. Mais il suffit d’un petit tour dans la cité pour se rendre à l’évidence que ces mesures sont foulées au sol. La preuve, les forces de l’ordre ont interpellé, pendant le week-end, une soixantaine de personnes dans des lieux de loisir censés être fermés pendant cette période. Parmi elles, l’artiste Léga Bah et les membres de son orchestre. Elle et les autres devraient faire face à la justice prochainement.

Dans la journée du 21 août, Nènè Gallé Bah alias Léga était loin d’imaginer qu’elle allait avoir maille à partir avec la justice. Samedi soir, l’artiste pastoral réunit ses fans comme d’habitude chez Aldo au quartier Lambanyi, pour un spectacle époustouflant. Elle, son équipe et des fans se sont fait surprendre par une descente musclée des agents du Commissariat central de Nongo. C’était le sauve-qui-peut. Les spectateurs étaient environ 300, selon un agent qui a participé à la descente, mais bien d’entre eux ont réussi à se sauver. Léga et les autres sont conduits au commissariat de Nongo. Ils seront rejoints par d’autres interpellés dans des boîtes de nuits à Sonfonia, Kaloum et le lendemain à Kobayah.

Cacophonie au Commissariat centrale de Nongo

Léga Bah et des dizaines d’autres guinéens dans les mains de la police à cause d’une «violation des règles de l’Etat d’urgence sanitaire », accusés «d’attroupement illégal, de menace à la santé publique », étaient censés être présentés à la presse le lundi à midi. Mais la police a très vite fait machine-arrière, sûrement à cause de l’avalanche de critiques qui s’est abattue sur elle, suite à des précédentes présentations de présumés accusés qui, au bout des procédures, ont été innocentés. Elle a préféré les déférer manu militari dans les différents tribunaux de Conakry. Quand les médias ont cherché à savoir, la cacophonie s’est installée : « Référez-vous au Commissaire central de Nongo », déclare le général Boubacar Kassé, porte-parole de la police. « C’est reporté, allez voir le général Kassé », rétorque le commissaire central. Puis le général Kassé a accepté d’aller un peu plus en profondeur: « Vous voulez personnaliser cette histoire-là, il y a plus d’une soixantaine de personnes qui sont interpellées. Les dispositions sont en train d’être prises pour leur présentation aux procureurs des tribunaux de leurs localités ». Sur les circonstances de leur arrestation, Boubacar Kassé est clair : « Ils ont été trouvés soit en porte-à-faux avec les dispositions sanitaires qui sont prises, soit avec le couvre-feu. Ils ont été trouvés dans des boîtes de nuit qui étaient ouvertes ».

Liberté pour Léga, pas pour les autres ?

Son arrestation a fait grand bruit, mais Léga Bah n’a pas perdu du temps au Commissariat central de Nongo. Elle a recouvré sa liberté dès dimanche matin, sans que la police ne communique et avant même d’être présentée à un juge. L’info a fuité. Quand la police déférait les autres, il n’y avait pas l’ombre de la chanteuse. Elle était déjà à la maison. Là également, le porte-parole de la police a voulu esquiver : «Je ne peux pas confirmer cette information dans la mesure où ils sont dans les mains de la justice ». Avant de changer d’avis : « Elle est dans les mains de la justice comme tous les autres, mais sous contrôle judiciaire ».

Jusqu’au soir du lundi 23 août, la soixantaine de personnes était en train d’être auditionnée devant les tribunaux de Kaloum et de Dixinn.

Yacine Diallo