Alors qu’au Soudan du Sud, une partie de la société civile réclame la démission du président Salva Kiir et de son vice-président Riek Machar, Reporters sans frontières (RSF) dénonce la multiplication des pressions à l’encontre des journalistes et médias du pays.

Cela fait une semaine que Radio Jonglei n’émet plus. Le média a été purement et simplement fermé le 27 août dernier, alors que  trois de ses journalistes – Matuor Mabior AnyangAyuen Garang Kur et Deng Gai Deng – étaient arrêtés au sein de la rédaction, après avoir vu leur matériel confisqué. Ils ont ensuite été brièvement détenus. Le motif officiel ? Empêcher la radio de diffuser ses programmes, ces journalistes étant soupçonnés d’être des sympathisants de la Coalition du peuple pour l’action civile (PCCA) et accusés d’avoir diffusé l’appel à une manifestation devant se tenir le 30 août. Joint par RSF, le directeur de la radio dit avoir reçu, les jours précédents, plusieurs appels des services de sécurité, qui l’ont sommé de se rendre à une convocation pour lui intimer l’ordre d’arrêter de traiter les sujets politiques à l’antenne. 

Cette interpellation est la dernière en date d’une série de représailles envers les journalistes : début juillet, le journaliste Alfred Angasi, présentateur de la Société de radiodiffusion du Soudan du Sud (SSBC), un média d’Etat, avait été arrêté et détenu arbitrairement pendant plus de deux semaines après avoir refusé de relayer une annonce présidentielle lors d’un journal. A l’occasion du discours du président Salva Kiir lors de la session d’ouverture du Parlement, le 30 août, un journaliste d’Al Jazeera, Ajou Luol, a été arrêté puis brièvement détenu après un différend avec des agents de sécurité. Maura Ajak et Yom Manas, deux autres journalistes présents au moment des faits, ont également été menacés, brutalisés et vu leur équipement confisqué alors qu’ils tentaient de boycotter la session en signe de protestation après avoir appris la détention de leur collègue. 

La multiplication, ces dernières semaines, des attaques et menaces à l’encontre des journalistes est préoccupante, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. L’hostilité non dissimulée des autorités envers les médias rappelle à quel point il est difficile pour les journalistes de rendre compte de l’actualité politique au Soudan du Sud, où au moins dix d’entre eux ont été tués depuis 2014. RSF exige que le harcèlement des reporters et médias sud soudanais cesse immédiatement.” 

Dans ce contexte, l’information en ligne est particulièrement surveillée, voire censurée. Le 30 août dernier, jour de la manifestation prévue contre le gouvernement du président Salva Kiir – dont le déroulement a été empêché par les forces armées -, l’accès à internet a été coupé sur l’ensemble du territoire. Quelques semaines auparavant, un directeur de média joint par RSF et souhaitant conserver l’anonymat avait indiqué que son journal avait été condamné à verser une amende équivalente à plusieurs milliers d’euros après qu’il a diffusé des vidéos sur Facebook, jugées « malveillantes » par les autorités. 

Le Soudan du Sud occupe la 139e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Reporters Sans Frontières