Balloté entre plusieurs départements ministériels lors des différentes restructurations gouvernementales, le secteur de la culture mérite un peu d’attention de la part des décideurs. L’homme ne vit pas seulement de pain, dit-on !Avant la fin de la transition instaurée à la faveur du coup d’éclat du 5 septembre, nous osons croire que l’enfant de Samaya, Alpha Soumah, bombardé ministre de la Culture relèvera le défi. Afin que la moisson soit abondante.
Pour ce qui concerne notre pays, il y a lieu que nos décideurs appréhendent de plus en plus les enjeux de la promotion de la Culture. Aussi bien que le secteur minier, la culture est un formidable potentiel générateur de ressources financières, et pourvoyeur d’emplois directs et indirects. Raison pour laquelle, on parle de plus en plus d’industries culturelles. Une approche qui n’est pas encore mise en œuvre chez nous. Contrairement aux années soixante-dix, époque à laquelle notre pays était la figure de proue dans la sous-région au plan culturel, l’on assiste aujourd’hui à un formidable recul. Pas d’investissement notable dans le secteur de la culture. Soixante-trois ans après notre accession à l’indépendance, hormis l’héritage de la première république, quel symbole faut-il présenter en cette année anniversaire en guise de bilan ? Une interrogation qui devrait nourrir un débat constructif à instaurer dans les jours à venir. Un débat devant servir à sensibiliser nos décideurs. A l’horizon 2030, la Guinée culturelle doit renaître. Et pour ce faire, il serait judicieux de procéder durant cette période transitoire, à une évaluation de la nouvelle politique culturelle mise en œuvre en grande pompe en 2018, sous la présidence du chef de l’Etat. Dans son adresse, l’ex-président déclarait en substance : «… Le monde d’aujourd’hui est confronté à des défis d’une ampleur et d’une complexité exceptionnelles- défis de la mondialisation deséconomies, défis des transitions démographiques et des mouvements migratoires de masse, défis de la 4ème révolution numérique portée par les Technologies de l’information et de la Communication, défis du changement climatique à l’échelle planétaire, etc. Pour les relever, les hommes se trouvent devant l’exigence vitale de remettre en question des modes de production des modes de vie et de pensée qui, jusqu’ici, ont semblé répondre à toutes les nécessités. Considérant ces défis non comme des menaces, mais comme des opportunités, l’homme et l’humanité toute entière pour la première fois dans l’histoire, peuvent penser et vivre leur destin commun à l’échelle de la planète et construire un monde de Paix, d’Equité, de Solidarité et de Progrès. La culture en sera à la fois la base, le levier et la finalité…. » C’est une exigence que nous impose notre glorieux passé. Les générations futures ne nous pardonneront jamais cet abandon.
Que vaut la culture pour un pays ?
En philosophie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné. La culture a longtemps été considérée comme un trait caractéristique de l’humanité, qui la distinguait des animaux. Mais des travaux récents en éthologie et en primatologie ont montré l’existence de cultures animales.
En sociologie, la culture est définie comme «ce qui est commun à un groupe d’individus » et comme «ce qui le soude ». Ainsi, pour une institution internationale comme l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »[] Ce «réservoir commun» évolue dans le temps par et dans les formes des échanges. Il se constitue en manières distinctes d’être, de penser, d’agir et de communiquer
Aujourd’hui, les stratégies de développement durable retiennent un grand nombre de facteurs, tels que les besoins exprimés par les populations ciblées, et leur environnement économique, social, et même politique. La prise en considération de ces éléments est essentielle pour la conduite de tout type de programme de développement durable. Mais dans quelle mesure la culture est-elle prise en compte ? Quel degré d’attention devrait être accordé à la culture d’une population donnée, afin qu’un programme de développement durable soit réellement efficace ?
D’où que l’on vienne, quelle que soit notre histoire, l’idée d’héritage culturel nous parle – que ce soit à travers nos traditions nationales, régionales, ou même familiales, ou à travers notre langue et nos concepts et valeurs apprises. Notre culture est le fondement de notre mode de vie. Et les communautés locales, en particulier dans les régions rurales ou reculées où elles sont moins exposées à d’autres cultures, ont généralement une identité et un héritage collectifs, et accordent un réel poids à la tradition. Comprendre une culture locale veut donc dire comprendre les racines d’un contexte local, et cette compréhension en elle-même est essentielle pour développer et mettre en œuvre un programme de développement durable qui soit réellement ajusté aux besoins de la communauté ciblée.
Lorsque la culture locale n’est pas suffisamment étudiée et prise en compte dans l’élaboration d’un programme de développement, ce programme a toutes les chances d’échouer car il ne sera pas complètement adapté à l’identité et au mode de vie de la population concernée. Un excellent exemple de cette idée est le XO, un ordinateur portable tout terrain, peu coûteux, fonctionnant à basse énergie, et connecté à Internet, imaginé dans le cadre du projet Un ordinateur portable par enfant afin de développer les opportunités éducatives d’enfants pauvres de par le monde. Bien que l’ordinateur portable en question ait été conçu, en termes de matériel et de logiciels, pour des enfants vivant et allant à l’école dans des conditions difficiles, le programme n’a pas accordé suffisamment d’importance aux spécificités culturelles des populations locales, et les communautés ont pensé que le XO ne leur était pas vraiment approprié.
Un pilier de la croissance économique
En revanche, lorsque la culture est effectivement prise en compte, elle devient souvent l’un des piliers de programmes de développement durable à succès, et de la croissance économique. Non seulement la prise en compte de la culture de la population locale pour l’élaboration d’un programme de développement durable assure que les traditions et le mode de vie de la population seront intégrés, et que le programme sera ainsi effectivement ajusté à ses besoins ; mais aussi, une telle prise en compte peut également servir de base à une activité économique.
Ainsi, l’héritage culturel peut être une source de revenus multiples, et cela commence avec le tourisme culturel. La plupart d’entre nous nous intéressons à une ou plusieurs autres cultures, et avons envie d’aller les voir de nos propres yeux, les admirer, et les vivre un peu. Les populations locales peuvent ensuite se générer des revenus à partir du tourisme, grâce à des emplois comme guide touristique par exemple, ou à des activités de fabrication et de vente d’objets et d’art.
Le Rossignol