Il n’y a pas de démocratie sans libertés individuelles et collectives, et réciproquement. Le régime d’Alpha Condé avait allègrement piétiné ces libertés mais, comme chacun peut le constater, la situation s’est améliorée depuis le 5 septembre. Les acteurs clés de la démocratie, comme les leaders politiques, les leaders de la société civile, les journalistes, les syndicalistes ou les avocats, ont retrouvé la liberté d’exercer sereinement leurs activités, sans craindre la répression d’un régime dictatorial. Il s’agit maintenant de transformer l’essai. Le gouvernement de transition a desserré l’étau qui étouffait la société guinéenne, nous le félicitons pour cela. Désormais, nous lui demandons de poser les fondements d’un respect durable et incontesté de ces libertés, sans quoi la Guinée retombera rapidement dans l’autoritarisme.
Les Guinéens ne veulent plus d’un pays où les partis politiques d’opposition craignent de s’exprimer ou de se réunir, où les organisations de la société civile qui défendent la démocratie ou les droits de l’homme sont réprimées, où la presse est placée sous contrôle du gouvernement et les journalistes indépendants sont surveillés, où des syndicalistes et des grévistes sont arrêtés pendant des manifestations et où la justice ne respecte pas les avocats et les droits de la défense.
Depuis ce 5 septembre, la Guinée respire mieux. Le gouvernement de transition a posé des actes forts pour garantir un meilleur respect de la loi. Des leaders exilés du FNDC ont pu rentrer chez eux, la presse a retrouvé une certaine liberté de ton, les partis politiques peuvent de nouveau se réunir et mener librement leurs activités et les avocats sont de nouveau respectés par la justice. Le peuple guinéen perçoit tout cela parfaitement bien et se montre reconnaissant envers ses libérateurs.
Mais, dans le même temps, il se demande : est-ce que cela va durer ? Est-ce que ces libertés vont être remises en causes sous le prochain gouvernement civil, ou même avant sous la transition ? Le gouvernement de transition a-t-il rétabli les libertés seulement pour obtenir l’adhésion populaire ou souhaite-t-il sincèrement refonder l’État guinéen et la démocratie ? Le peuple guinéen avait déjà eu de grands espoirs, en 2008. Mais ces espoirs ont été enterrés avec les corps des 157 victimes du stade. Alors, il se demande : quelles garanties va offrir le gouvernement de transition pour que ces espoirs ne soient pas une nouvelle fois déçus ?
Le peuple guinéen attend donc des actions fortes de la part du gouvernement de transition. Celui-ci a affiché sa volonté de refonder l’État guinéen, notamment en luttant contre la corruption et pour l’union nationale. Cette transition doit être l’occasion de réformes profondes à plusieurs niveaux.
Nous appelons le gouvernement de transition à créer des garde-fous pour empêcher la police ou la gendarmerie de procéder à des arrestations arbitraires. Nous appelons le gouvernement à réformer la Haute Autorité à la Communication afin qu’elle devienne une vraie institution au service de la protection des journalistes et des organes de presse, en particulier quand ils enquêtent sur des cas de violations de droits de l’homme ou de corruption, et qu’elle cesse d’être un outil de contrôle de leur travail. Nous appelons le gouvernement à réformer le système judiciaire afin que les droits de la défense soient mieux respectés, que les militants politiques ou les leaders de la société civile ne puissent plus être condamnés et détenus pour le simple exercice de leurs activités. Nous appelons le gouvernement de transition à mieux protéger les libertés syndicales. Nous appelons le gouvernement de transition à réformer la justice afin que les violations de droits de l’homme fassent systématiquement l’objet d’enquêtes judiciaires.
Les mouvements citoyens souhaitent le succès de la transition et le retour à un gouvernement civil dans un contexte apaisé et dans un État débarrassé de l’autoritarisme et de la corruption. Les mouvements citoyens soutiendront les autorités de la transition tant qu’elles agiront en ce sens et ils se montreront force de proposition. En tant que défenseurs des libertés et de la démocratie, ils scruteront et dénonceront les moindres écarts à ces objectifs. Connaissant l’histoire de notre pays, il est difficile d’apporter un soutien inconditionnel à un gouvernement de transition. Celui-ci doit être jugé sur les actes qu’il pose. Du 5 septembre à ce jour, les actes majeurs posés par le CNRD et son gouvernement sont rassurants.
Sékou Koundouno, Responsable des stratégies et planification du FNDC,
Membre du réseau Afrikki Network