Avec l’éclatement du Covid-19, nombre d’entreprises ont réduit leur personnel pour cause de confinement et de difficultés financières. Parmi les secteurs les plus touchés figure celui de l’hôtellerie. Certains ont recouvré leur job avec la reprise progressive des activités, d’autres ont perdu définitivement leur emploi.

«Je vis en famille. Après deux ans de travail, retour à la case départ. Ce sont mes parents qui me prennent en charge». Fatouma Diallo, ex-employée d’un hôtel de Conakry est sur la paille,

surtout qu’elle n’entrevoit aucune perspective prometteuse. Elle a déposé des demandes d’emploi dans d’autres hôtels, mais aucun n’a rappelé. «Les hôtels ont réduit le personnel. Pas facile de se faire embaucher».

Entre 2020 et 2021, dans les hôtels Kaloum, Bellevue, Atlantic, Millenium et Indépendance et Noom, un total de 257 travailleurs ont été licenciés (pour motif économique lié au Covid-19), selon l’Inspection de travail de Conakry. En 2018, les statistiques du ministère du Tourisme indiquent 3.125 travailleurs enregistrés au sein des établissements hôteliers.

«C’était terrible, brutal, choquant. Plus choquant encore, la décision nous est tombée dessus alors qu’on ne s’y attendait pas du tout. Je suis resté à la maison plus de six mois sans revenu, alors que j’ai des enfants à qui je dois payer la scolarité», témoigne Fatoumata Kaba, qui a perdu le poste de cuisinière à un hôtel de la capitale.

En Guinée, les problèmes de trésoreries dus au Covid-19 ont contraint 68% des entreprises à recourir aux congés techniques, 54% à réduire le nombre d’heures de travail, 26% à diminuer les salaires et 15% à licencier, selon le ministère de l’Economie et des Finances.

Coup  de pouce insuffisant

La crise a laminé les revenus des hôteliers : de 2% à 5% de taux d’occupation au pic de la crise quand le seuil tolérable est de 30% de taux d’occupation. Le gouvernement guinéen a dû mettre la main à la poche, pour soulager plus d’un hôtel.

Le plan de riposte gouvernemental a prévu que dans le cadre de la mise en œuvre des mesures d’allègement des charges financières pesant sur les secteurs les plus touchés, l’Etat procède au paiement progressif des arriérés dus aux entreprises du secteur du tourisme et de l’hôtellerie.

Entre le 18 mai et le 7 octobre 2020, (six mois), le gouvernent a décaissé 25 526 200 575 de francs guinéens (1 595 387 535 FCFA) du Fonds spécial de riposte et de stabilisation économique.

Ce coup de pouce n’a pas manqué des hôtels de débaucher pour amortir le choc. Le fonds de garantie des prêts aux entreprises promis, on n’en pas senti l’odeur. Ce fonds à permettre au secteur privé de demander un prêt bancaire garanti par l’Etat n’a été qu’une annonce.

Barry Mamadou Aliou, directeur national de l’aménagement hôtelier touristique et de l’artisanat, nous dit qu’en 2016, le secteur pesait 2,2% dans le PIB guinéen, le gouvernement voulait porter ce chiffre à 3% en 2020. Rien n’indique que cet objectif a été atteint.

Indubitablement, le secteur hôtelier dans son ensemble a été fortement touché par la pandémie sanitaire, avec des répercussions graves sur le marché de l’emploi.

Le Covid-19 complique tout

En dehors du secteur hôtelier, le marché de l’emploi n’est pas vaillant en Guinée. Ceux qui trouvent un emploi sont sous-payés, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) plafonne à 440 000 francs guinéens (27 500 FCFA). La précarité et le chômage se côtoient.

Ramatoulaye Baldé qui a obtenu sa licence en comptabilité et gestion en 2020 a complété son cursus par une formation en anglais pour maximiser ses chances. Elle a déposé, demande sur demande d’emplois, en vain. Nombre de demandeurs d’emploi attendent. Du haut de sa maîtrise en génie civil, Laye Kaba, attend depuis bientôt un an.

Mariama Djélo Sow a fini par mettre sa Licence en gestion de côté pour faire une formation en saponification. Diplômée depuis 2019, elle a déposé deux demandes d’emploi infructueuses. Partout on lui a dit que l’heure est plus à la compression qu’au recrutement.

Données sous-évaluées

Selon l’Agence guinéenne pour la promotion de l’emploi (Aguipe), en 2019, il y a eu 8 011 demandeurs d’emploi inscrits sur son site contre 12 839 emplois créés que lui ont signifié les entreprises (publiques et privées). La même année, la guinée présentait un taux de chômage de 4,8%. Toujours selon Aguipe, en 2020, elle a enregistré 7 679 demandeurs d’emploi et 11.201 emplois créés lui ont été signifiés par les entreprises.

La tranche d’âge la plus touchée par le chômage en Guinée en 2019 est celle 25 à 29 ans. La même année, le secteur tertiaire a créé plus d’emplois que les autres (45,2%), suivi du secteur primaire 40,5%.

Selon le recensement de 2014, seuls 5,2% de la population active serait au chômage, selon l’institut national des statistiques. En revanche, selon le document «profil migratoire national 2020» de l’Organisation des nations-Unies pour les migrations, une enquête de 2012 réalisée auprès de populations urbaines uniquement, le taux de chômage des jeunes (15-35 ans) atteint 20%.

Les différentes institutions utilisent des méthodes et des critères différents pour déterminer le taux de chômage. Sosso Feindouno, économiste du développement et chercheur à la FERDI (un think-tank français), consultant à la Banque mondiale dit prendre ces deux chiffres (5,2% et 20%) avec les pincettes.

Selon lui, la Banque mondiale qui reprend les estimations de l’OIT, Organisation internationale du travail, en 2020, fixe le taux de chômage en Guinée à 4,35% contre 4,14% en 2019. «C’est incompréhensible quand on connaît l’ampleur du chômage en Guinée», s‘étonne l’économiste.

Le Lynx et Ouestafnews