Alors que la tension couvait depuis des semaines, Vladimir Poutine, le président russe, a lancé le 24 février, ce qu’il a appelé une « opération militaire spéciale » pour « démilitariser et dénazifier » l’Ukraine. Et aussi protéger les populations des régions séparatistes à l’Est du pays. Le reste du monde dénonce plutôt une « invasion de l’Ukraine et une guerre injustifiée » qui va mettre la Russie sur le banc de l’humanité.
Cette annonce montre que rien n’a pas dissuadé Poutine, ni mis fin aux faux espoirs que nourrissaient les démarches diplomatiques françaises et les sanctions économiques que brandissaient les Etats-Unis. Depuis, l’armée russe qui s’était déjà positionnée depuis des semaines et affiné sa stratégie qui consistait à « encercler, asphyxier et soumettre l’ennemi », pilonne le pays. De nombreux sites stratégiques, des bases militaires dont certains sont équipées de défense antiaérienne sont ciblées et détruites par l’envahisseur pour mettre à genou l’armée ukrainienne.
Stopper l’OTAN
Au moment où le président russe évoque une opération limitée, des observateurs de la scène politique internationale voit dans les manœuvres de Poutine une volonté de contrôler l’Ukraine, démilitariser le pays, stopper sa volonté d’adhérer à l’OTAN et installer à la tête du pays un gouvernement qui lui est favorable.
Ce qui lui permettra d’établir un couloir entre la Crimée, zone reconquise il y a quelques années et l’Ukraine favorable à l’OTAN. Mais, Joe Biden a déjà annoncé l’envoi de 7 000 soldats supplémentaires en Allemagne et promis de répliquer si la Russie tentait d’étendre son opération en dehors de l’Ukraine, en touchant un membre de l’OTAN.
Le Puzzle URSS
La Russie a l’air nostalgique de son empire l’URSS. Poutine veut reconstituer le puzzle dont certaines pièces perdues sont convoitées par l’Occident. Moscou qui n’avait pas digéré la révolution ukrainienne de 2014, avait déclenché la guerre de Crimée (20 février– 26 mars 2014) dont l’issue avait été le rattachement, au terme d’un référendum le 27 mars 2014, des régions de la Crimée et de Sébastopol à la Russie.
Le Kremlin veut désormais étendre sa zone de contrôle sur Kiev en délogeant le pouvoir en place. Ironie du sort, c’est aussi en un mois de février que le président Poutine avait lancé son « opération » qui est en passe d’aboutir à la prise effective de l’Ukraine. Il avance comme alibi la « protection des populations des zones séparatistes que sont Dombass, Doneskst, Lougansk, des républiques autoproclamées dont la Russie a reconnu l’indépendance le lundi 21 février. En 2008 déjà, la Russie avait bombardé la Géorgie, notamment l’Ossétie du Sud que le Kremlin considérait comme pro-russe. La France, par la voie de son ministre des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, s’inquiète déjà sur le sort de la Moldavie, pays voisin qui a déjà ouvert ses frontières aux milliers des réfugiés ukrainiens.
Russie et le monde
A 69 ans, figure centrale de l’exécutif russe depuis 1999, alternativement comme président du gouvernement, président de la fédération de Russie par intérim, puis de plein exercice, Vladimir Poutine engage son pays sur plusieurs fronts. Son pays est un acteur clé dans les crises au Moyen-Orient. Depuis les années 90, Moscou a une approche pragmatique, dans cette zone. Elle utilise cette zone comme « un terrain de manœuvre militaro-politique, dans le cadre de sa confrontation avec l’Occident, un débouché potentiellement prometteur pour sa production d’équipements militaires modernes, des machines et des véhicules lourds et une source de financement ». (Alexandre Choumiline, « La diplomatie russe au Moyen-Orient : retour à la géopolitique », Russie Nei.Vision, n°39, mai 2016.)
La même stratégie semble déployée en Afrique où la Russie a des intérêts. En 2006, Poutine s’était rendu en Afrique du Sud et au Maroc. En 2009, son successeur, Dimitri Medvedev effectua un voyage officiel en Angola, en Namibie et au Nigeria. Deux déplacements qui annonçaient la volonté de l’établissement de nouvelles relations bilatérales. Medvedev s’était déplacé avec 400 hommes d’affaires et signé plusieurs accords économiques, dans le secteur des ressources minérales et de l’énergie nucléaire notamment. Quant à Poutine, il avait déclaré en 2009 : « A une époque, nous avons pu donner l’impression d’avoir perdu tout intérêt pour le continent africain, il est de notre devoir de rattraper le temps perdu. Nous avons quantité de projets et d’idées intéressants et de qualité pour développer notre coopération. La Russie constate sans jalousie que d’autres pays ont noué des liens en Afrique, mais elle entend bien défendre ses intérêts sur le continent ».
Ces dernières années, à travers des groupes paramilitaires non officiels, qualifiés de mercenaires par les Occidentaux, la Russie se discute les opérations de maintien de la paix en Afrique. Après la Centrafrique où ils interviennent contre le gré de la Minusca, les paramilitaires du groupe Vagner sont en passe de se substituer aux forces Barkane qui luttent contre le terrorisme au Nord-Mali.
Th Hassane Diallo