Station de radio attaquée, reporter et caméraman arrêtés, journaliste agressé… En seulement deux semaines, Reporters sans frontières (RSF) a recensé plusieurs graves atteintes à la liberté de la presse. Notre organisation appelle les autorités à réagir et à garantir la sécurité des journalistes dans le pays.
Cela fait quatre jours que la radio Benya FM n’émet plus. Dans la soirée du 16 mai 2022, trois individus non identifiés ont fait irruption dans les locaux de cette station basée dans la ville côtière d’Elmina, à 150 kilomètres d’Accra, la capitale ghanéenne, et ont agressé l’animateur de l’émission en cours, Osofo Blessing et son producteur, Nana Gyefo. Les assaillants leur ont assené plusieurs coups de pied et coups de poing, avant de détruire les équipements de la radio.
Contacté par RSF, le directeur des programmes de la station, Usman Kwaku Dawood, a déclaré que les attaquants étaient des militants du parti au pouvoir, le Nouveau Parti Patriotique (NPP). Ils seraient mécontents de la couverture, par certaines émissions, de sujets tels que les mauvaises pratiques du gouvernement dans l’industrie de la pêche régionale. La police a ouvert une enquête à la suite des demandes du ministère de l’Information, qui a condamné l’agression dans un communiqué rendu public le 18 mai, et a arrêté les trois suspects. Entendus au tribunal ce vendredi 20 mai, ils ont été libérés sous caution. Une prochaine audience aura lieu le 28 juin 2022.
Plus tôt dans le mois, le 2 mai, le journaliste Prince Acquah, travaillant pour l’agence de presse Ghana News Agency (GNA), a également été agressé par des partisans du NPP à Ajumako, au Sud du pays. Il a été pris à partie alors qu’il filmait une altercation entre plusieurs militants de ce parti. Ses agresseurs l’ont accusé d’être un membre du parti adverse, le Congrès démocratique national (NDC), avant de le pousser à terre. Une enquête a également été ouverte.
«Ces exactions à répétition à l’encontre des journalistes ou de leurs médias relèvent de la persécution, déclare Sadibou Marong, le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF. Lors de la publication du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, où le Ghana a connu une chute de 30 places par rapport à l’année précédente, le gouvernement s’était engagé à faire des efforts dans la promotion d’une presse libre. Les autorités doivent maintenant réagir et assurer comme annoncé l’exercice d’un journalisme libre et sécurisé sur tout le territoire.»
Les attaques à l’encontre de la presse se multiplient au Ghana. La dernière atteinte en date concerne deux journalistes de Metro TV. Le 17 mai, le reporter Derrick Adotey et son caméraman, ont été arrêtés puis détenus au commissariat d’East-Legon situé à Accra, après avoir filmé l’acte d’accusation d’un activiste récemment arrêté, Oliver Mawusi Barker-Vormawo. Ils ont été libérés dans la journée.
En février dernier, notre organisation s’inquiétait de cette hausse des atteintes à la liberté de la presse, alors que trois journalistes avaient été détenus en l’espace de huit jours, et qu’un autre avait été très violemment agressé. C’est, en outre, la deuxième fois en quatre mois qu’une station de radio est attaquée au Ghana : en janvier, une douzaine d’individus masqués et armés ont pris d’assaut les locaux de la radio communautaire Ada, ont agressé deux de ses journalistes et vandalisé du matériel.
Depuis le début de l’année 2022, RSF a recensé 14 exactions perpétrées à l’encontre des journalistes et des médias, dont 5 interpellations ou arrestations et 9 cas de brutalité envers des journalistes.
Le Ghana occupe désormais la 60e place au Classement mondial de la liberté de la presse, contre la 30e place en 2021. Il s’agit de son plus mauvais classement depuis presque vingt ans. En réaction, le ministre de l’Information, Kojo Oppong Nkrumah, avait témoigné de sa volonté de persévérer dans la promotion de la liberté de la presse et la sécurité des journalistes.
Reporters Sans Frontières