En phase de réouverture, la gestion du CHU Donka est au centre d’un bras-de-fer entre le gouvernement et le personnel. Le ministre de la Santé a justifié lundi au cours d’une conférence de presse le choix de déléguer la gestion du plus grand hôpital du pays à un privé pour une durée de cinq ans, espérant ne plus avoir à le subventionner.

Entre 20 et 24 milliards de francs guinéens. A en croire le ministre de la Santé et de l’hygiène publique, c’est la subvention annuelle que l’Etat accorde à l’Hôpital national (ou CHU) Donka. En retour, le plus grand établissement sanitaire du pays totalise un milliard de francs guinéens de revenus pour la même période ! Soit un déficit de plus de vingt milliards.

Pour le gouvernement, cette situation doit impérativement changer. Son approche : centraliser les ressources. « L’hôpital doit générer des recettes et pouvoir s’autofinancer, quoiqu’il ait un but non lucratif », a déclaré le ministre Mamadou Pèthé Diallo, en conférence de presse ce lundi 18 juillet à la Maison de la presse Mamadou Koula Diallo (Minière). Il estime temps d’en finir avec « l’amalgame entre la gestion hospitalière et la mission de soigner en cours depuis plus de 60 ans », au profit d’un « hôpital qui fonctionne aux normes du 21e siècle ». Il s’agit de séparer le travail de donner des soins des autres tâches administratives.

Une nouvelle expérience de gestion qui va durer cinq ans, au cours desquels des Guinéens seront formés pour prendre le relai du partenaire canadien Netsen Group, une société de conseil spécialisée en services technologiques et en solutions logicielles. Avec l’informatisation de l’ensemble du système de gestion, plus aucun patient ne payera les frais médicaux entre les mains d’un médecin. A la place, il disposera d’une carte biométrique, comportant toutes ses informations personnelles, qui lui donnera accès à tous les services qu’offre le CHU : consultation externe, imagerie, service odontostomatologie, pharmacie hospitalière et laboratoire.

Ce n’est qu’après avoir bénéficié des soins qu’il recevra sa facture pour aller s’acquitter des frais médicaux à la caisse. Alors que la tradition en Guinée, c’était l’inverse. Même pour le malade admis aux urgences ! « L’objectif est de ramener, dans nos hôpitaux, l’empathie et le respect envers les patients », a justifié le conférencier. Si l’expérience, qui vise également à se projeter vers la couverture sanitaire universelle, s’avère concluante à terme, elle sera dupliquée dans les autres structures sanitaires du pays. 

Réouverture imminente

Ce changement de gestion est décidé en prélude à la réouverture imminente du CHU Donka, en rénovation/reconstruction depuis 2015. Il doit permettre un retour sur investissement, comme l’ont souhaité les partenaires financiers le Fonds saoudien pour le développement et la Banque islamique de développement (BID). Sauf que le ministre de la Santé a esquivé les questions de la presse relative au coût de la rémunération du partenaire.

Quant à celui de la rénovation, il serait, selon nos informations, de l’ordre de 74 millions de dollars, dont 32 millions pour les travaux de génie civil et 28,8 millions pour la formation du personnel et les équipements, parmi lesquels un plateau technique moderne (IRM, scanner, échographie, mammographie, blocs opératoires…), 600 lits, 350 toilettes, une station d’épuration, une buanderie, des ascenseurs, des espaces verts, des parkings…

Les travaux, exécutés aujourd’hui à 99 %, avaient été confiés à l’italienne Piccini, chargée de la réalisation du lot 1, et à la Société africaine de commerce, de construction et de financement (Saccof), pour le lot 2, dont le PDG est le Guinéen d’origine libanaise, Redwan Saad.

Pas de perte d’emplois

La réouverture du CHU Donka, qui sera graduelle, est donnée pour imminente par Mamadou Pèthé Diallo. « Il ne reste plus que des petits travaux, assure-t-il. Il n’y a plus d’intérêt à retarder la réouverture. » Toutefois, elle s’annonce mouvementée. Le personnel de santé est rétif à la délégation de la gestion de l’établissement sanitaire à un tiers, un étranger. Ils l’ont régulièrement exprimé ces derniers jours par des débrayages.

Le ministre de la Santé assure pourtant avoir eu plusieurs séances de rencontre avec eux, que l’hôpital reste un patrimoine national, qui va continuer d’offrir un service public. « Les travailleurs (titulaires) ne perdront pas leur boulot. Les stagiaires, contractuels et bénévoles seront évalués et engagés en fonction des besoins », s’est-il défendu envers ceux qui croient que le CHU a été bradé. Tout en rappelant que le gouvernement de transition ne fait que mettre en œuvre un accord conclu sous Alpha Condé, conformément aux lois guinéennes et au principe de continuité de l’Etat.

Diawo Labboyah Barry