Jugé à Paris pour les exactions commises durant la guerre civile au Liberia, l’ancien chef rebelle du groupe Ulimo, Kunti Kamara a été déclaré mercredi 2 novembre coupable de crimes contre l’humanité et condamné à la réclusion à perpétuité.

Après trois semaines de plongée dans la guerre civile au Liberia et ses atrocités, la cour d’assises de Paris a rendu ce mercredi sa décision concernant l’ex-commandant rebelle Kunti Kamara, en le condamnant à la prison à perpétuité.

Après plus de dix heures de délibération, Kunti Kamara a été déclaré coupable de tous les chefs d’accusation retenus contre lui : crimes contre l’humanité, complicité de crimes contre l’humanité et de tortures et barbarie simples et aggravées. L’ex-rebelle libérien a écouté, il est resté mutique, le visage fermé, il n’a pas eu de véritable réaction, rapporte notre envoyé spécial au palais de justice de Paris, Sébastien Nemeth.

« Mettre fin à l’impunité au Liberia »

C’est une satisfaction évidemment pour les parties civiles et plusieurs dizaines de victimes qui sont venues du Liberia témoigner à la barre pendant ces trois semaines d’un procès historique. C’était en effet la première fois que la justice française se saisissait d’un dossier relatif à la guerre civile au Liberia.

« C’est une décision satisfaisante pour les parties civiles. Il était important qu’au fil de ces audiences, elles soient entendues, crues et que leurs paroles soient considérées comme authentiques. Cette décision vient concrétiser ces attentes », explique Me Sabrina Delattre, l’avocate qui représentait les parties civiles.

L’organisation Civitas Maxima, partie civile qui a aidé à constituer le dossier, espère maintenant que ce verdict aura un impact notamment au Liberia, où malgré la soif de justice, aucun criminel de guerre n’a jamais été jugé. Emmanuelle Marchand, directrice adjointe de l’ONG suisse, confie :

«On espère que le gouvernement libérien prenne ses responsabilités dans la poursuite des crimes internationaux. Cette condamnation est encore un appel aux autorités libériennes pour qu’elles mettent elles-mêmes en place un tribunal. Plus il y a de procédures, plus la pression monte. On espère qu’un jour, il y aura vraiment un mécanisme pour mettre fin à l’impunité au Liberia.»

L’affaire n’est toutefois pas forcément terminée, car les avocats de Kunti Kamara, qui n’ont pas souhaité s’exprimer, ont dix jours pour faire appel, ce qui ouvre la possibilité d’un éventuel nouveau procès devant la cour d’assises d’appel de Paris.

L’ex-rebelle conteste les faits

Tout au long de ce procès inédit, plaignants et témoins venus du Liberia ont fait basculer la cour dans l’horreur d’un conflit aux racines complexes, qui a décimé le petit pays d’Afrique de l’Ouest et ouvert une plaie encore béante 30 ans plus tard. « Les crimes commis sont trop horribles pour pouvoir être décrits », a résumé à la barre le journaliste et activiste libérien John Stewart.

Pour ses derniers mots à la cour, l’accusé, crâne chauve et moustache épaisse, a de nouveau contesté les faits mercredi matin. « Je suis innocent aujourd’hui, je suis innocent demain, j’étais un simple soldat, c’est tout », a déclaré Kunti Kamara, avant que la cour ne se retire pour délibérer et répondre aux 19 questions qui lui étaient soumises. 

Au moment de la première des deux guerres civiles libériennes (1989-1997), Kunti Kamara faisait partie du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo), qui s’était emparé du nord-ouest du pays pour freiner la milice rivale du redouté Charles Taylor. C’est dans cette région du Lofa que « C.O Kundi » – pour « commanding officer » – aurait pris part à des exactions contre les civils qui lui valent d’être jugé à Paris depuis le 10 octobre, au nom de la compétence universelle exercée par la France pour les crimes les plus graves.

Par Rfi