Les présumés assassins de M’Mah Sylla étaient de nouveau devant le juge au tribunal de première instance de Mafanco ce 20 décembre. L’audience était consacrée à l’audition des témoins. La grand-mère de la victime a chargé Patrice Lamah.
Hadja Diamilatou Sow, octogénaire, est la grand-mère de feu M’Mah Sylla. C’est elle qui l’a élevée depuis sa naissance. Sa mère biologique l’ayant « abandonnée dès qu’elle l’a mise au monde». Elle est revenue en détail sur les péripéties par lesquelles M’Mah Sylla est passée avant de mourir en Tunisie : « Elle avait un problème de cœur et de menstrues. Je suis sortie chercher l’argent pour l’amener à l’hôpital. Je l’ai appelé au téléphone, c’est Patrice Lamah qui a décroché, il m’a dit : ‘’Ta fille a un kyste, si on ne l’opère pas, elle va mourir ». Ils m’ont demandé 1 500 000 francs guinéens, je me suis endettée, je leur ai donné 1 000 000 de francs guinéens. Ils l’ont opérée». La vieille dame précise que Patrice Lamah et ses amis avaient opéré sa petite-fille à son insu. A son arrivées, elle constate que feue M’Mah Sylla était en état d’inconscience : « Elle ne bougeait pas, ne parlait pas et ne mangeait pas. Elle avait même changé de couleur. J’ai constaté que ça n’allait pas».
Hadja Diamilatou Sow explique au juge avoir voulu en savoir davantage sur ce qui s’est réellement passé. En vain : « Patrice Lamah m’a juste dit qu’ils ont enlevé les kystes et qu’elle allait se rétablir». Ils y sont restés trois jours, sans grande amélioration.
« Docteur Cissé m’a tout informé»
Hadja Diamilatou Sow aurait pourtant demandé à ce qu’on transfère M’Mah Sylla dans une structure sanitaire appropriée. A sa grande surprise, les toubibs se retrouvent dans une clinique à Dabompa, chez un certain Sébory Cissé (un des accusés). Au lieu de discuter avec le propriétaire de la clinique des modalités du traitement de la patiente, ce dernier lui aurait plutôt fait des révélations sur ce qui était arrivée à sa fille : «Docteur Sebory Cissé ne l’a pas touchée toute la nuit. Le matin, il m’a informé que Patrice Lamah et son groupe l’avaient violée, opérée pour interrompre la grossesse et ont détruit son ventre et ses parties intimes pendant les curetages. A partir de là, je ne me retrouvais plus».
Après le décès de M’Mah Sylla, des informations selon lesquelles la victime sortait avec Patrice Lamah ont fusé. Il se disait qu’il était même devenu leur médecin traitant, et qu’il prenait même en charge la famille. Faux, selon sa grand-mère : « Elle ne m’avait jamais dit qu’elle fréquentait cette clinique, à plus forte raison me dire qu’elle était enceinte de Patrice… M’Mah Sylla, c’était mon âme. Si je pouvais, c’est moi qui allais mourir à sa place. C’est Patrice qui a tué ma fille.»
Djalikatou Soumah, l’intermédiaire ?
Après trois semaines passées dans la clinique du docteur Sebory Cissé, M’Mah Sylla avait été hospitalisée au CHU Ignace Deen avant d’être évacuée à Tunis. Pour qu’elle atterrisse à Ignace Deen, il a fallu des manœuvres que la famille et le parquet de Mafanco jugent peu orthodoxes. Une certaine Djalikatou Soumah, étudiante en médecine, en service à la chirurgie de ce CHU, aurait servi de courroie de transmission. Entendue en tant que témoin, la dame a réfuté toute responsabilité. Elle a expliqué ne pas connaître les accusés. Elle dit avoir été impliquée dans cette affaire par le canal d’un de ses amis, un autre Célestin (qui n’est pas l’accusé dans le dossier). Celui-ci lui aurait demandé d’aider des médecins qui ont eu des complications après une intervention chirurgicale sur une patiente : «Quand j’ai vu M’Mah Sylla, j’ai exigé qu’on l’amène immédiatement dans un CHU. Docteur Sebory Cissé s’est présenté, il m’a dit qu’il est le chirurgien en chef de l’hôpital préfectoral de Pita, que ses assistants ont opéré cette dame sans succès, qu’il a essayé lui aussi de corriger, en vain». Selon elle, M’Mah Sylla a été admise à Ignace Deen selon la procédure normale : « Ils ont pris le ticket d’entrée, elle a été auscultée et hospitalisée au pavillon 5… Ce n’était pas à moi de demander un dossier médical à quelqu’un».
Dame Dialikatou Soumah révèle que c’est bien plus tard que le papa de feue M’Mah Sylla lui a expliqué ce qui s’était réellement passé : « Une semaine après, son père est venu me dire qu’il veut vraiment me parler. Il m’a informé qu’elle a été droguée, violée, avant d’être opérée. Je suis allée la voir, mais elle n’a pas voulu en parler».
Pendant la confrontation, docteur Sebory Cissé a démenti Dialikatou Soumah. Il jure n’avoir jamais dit qu’il servait à Pita ou que ses assistants ont opéré M’Mah Sylla. Il dit également qu’il y a un seul Célestin Millimono dans cette affaire. Selon lui, il est parmi ceux qui ont abusé de M’Mah Sylla et qu’il est ami à Djalikatou Soumah.
Le représentant du ministère public a demandé au tribunal de renvoyer l’affaire pour ordonner un supplément d’information, en commettant un nouveau juge d’instruction. Il a aussi demandé au tribunal d’émettre un mandat d’arrêt contre Célestin Millimono, en cavale. Les avocats de la défense se sont opposés.
Le tribunal a renvoyé l’affaire au 28 décembre pour la comparution des professeurs Houssein Fofana et Aboubacar Touré, responsables du service chirurgie du CHU Ignace Deen, au moment des faits et chefs hiérarchiques de Dialikatou Soumah.
Yacine Diallo