Les autorités de la transition veulent à tout prix faire annuler la marche pacifique des Forces vives de Guinée prévue le 9 mars. Une délégation du secrétariat général des Affaires religieuses a rencontré l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD) le 6 mars, pour solliciter un report.
Les Forces vives de Guinée n’avancent plus masquées. Alors que l’ANAD, le FNDC-politique, le RPG arc-en-ciel et consort se contentaient d’apporter leur soutien aux manifestations à l’appel du FDNC, ces entités, réunies au sein des Forces vives de Guinée, décident de franchir un cap, en appelant elles-mêmes les Guinéens à manifester le 9 mars. Les FVG comptent ainsi exiger l’arrêt des harcèlements judiciaires des acteurs de la société civile et leaders politiques, l’application sans délai des décisions du dernier sommet de la CEDEAO tenu à Addis-Abeba… Demandant un dialogue inclusif et crédible avec les forces vives de la nation pour définir de manière consensuelle les conditions du retour à l’ordre constitutionnel. Elles veulent également obtenir la levée de la suspension des manifestations pacifiques dans les rues et sur les places publiques. Ces acteurs sont également déterminés à obtenir un dialogue avec le CRND sous l’égide de la CEDEAO.
Depuis l’annonce d’une manifestation, des voix s’élèvent pour tenter de rapprocher les positions des protagonistes. Après les deux courriers du Premier ministre, Bernard Goumou appelant les FVG au dialogue, c’est autour du Secrétaire général des Affaires religieuses de prendre les choses en mains. Après le RPG arc-en-ciel, Karamo Diawara et sa suite se sont rendus au QG de l’UFDG le 6 mars, pour un tête-à-tête avec l’ANAD. Les hôtes ont demandé à l’Alliance de surseoir à la manifestation annoncée, le temps pour eux de tenter de relancer un dialogue en panne : « Nous avons constaté les tensions chez les uns et chez les autres. Nous sommes venus leur parler pour prévenir d’éventuelles violences, des morts », déclare Karamo Diawara. Le responsable religieux ne mentionne pas s’il a reçu ou non l’assentiment du CNRD avant d’entamer cette démarche. Il dit simplement l’avoir initié, parce que les protagonistes sont tous des croyants. Il compte donc surfer sur cette vague, pour convaincre les acteurs sociopolitiques de faire machine arrière : « Nous allons identifier tous les points de divergence et les transmettre au Premier ministre, afin de voir comment rapprocher les positions ». Karamo Diawara espère ramener ces acteurs autour de la table du dialogue, pour « le bien-être de tous les Guinéens ». Dans son compte-rendu, le secrétaire général des Affaires religieuses n’a point évoqué, de façon spécifique, la manifestation du 9 mars. Il s’est contenté juste d’annoncer une autre entrevue avec ces acteurs, après un compte-rendu au Premier ministre.
Sauf que la visite de ces religieux ne change en rien la détermination de l’ANAD de participer à la manifestation en vue. Les responsables de la coalition estiment que les hôtes connaissent parfaitement leurs revendications. L’ANAD redit à Karamo Diawara et à sa suite qu’ils ne renonceront à cette manifestation qu’après satisfaction de leurs revendications : « Ils nous demandent de reporter notre manifestation, sous prétexte que le sang a trop coulé. Ils veulent avoir un moratoire pour ramener les acteurs autour de la table du dialogue… Pour que nous renoncions à notre manifestation, il faut que les préalables posés par le Forces vives soient satisfaits. C’est non négociable, parce que trop, c’est trop. Après 18 mois de patience, on ne peut pas nous dire que nous n’aimons pas la Guinée », explique Diabaty Doré, porte-parole de circonstance de l’ANAD.
Le président du RPR rappelle à Karamo Diawara que ce sont le CNRD et son gouvernement qui refusent d’entendre raison : « Nous demandons le dialogue depuis le 5 septembre 2021. Jusqu’à présent, les vrais acteurs ne sont pas encore invités autour de la table ». En novembre 2022, le Premier ministre, Bernard Goumou, lors d’une rencontre avec le Quatuor chez Mamadou Sylla, avait reçu un mémorandum dans lequel sont détaillées toutes leurs revendications. Cette lettre était restée sans suite : « Rien n’a été fait », ajoute Diabaty Doré.
A voir si les religieux réussiront à convaincre les autorités de la transition de lâcher du lest.
Yacine Diallo