Tierno Monénembo : Vous avez été directeur du Fonds de Solidarité Nationale de votre pays, le Mali, et maintenant administrateur de l’Agence de Relations Publiques et de Facilitation d’Affaires « Sésame », vous êtes un passionné du Brésil. D’où vous vient cette passion ?

Adama Diarra: Elle m’est venue lors d’une visio-conférence que j’ai organisée entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Région de Sikasso et l’ambassade du Brésil au Mali. J’ai pu apprécier à cette occasion l’énorme potentiel du Brésil, dans le secteur agro-alimentaire notamment. Je me suis dit que son exceptionnel savoir-faire en matière de conservation et de transformation des produits tropicaux  doit nécessairement susciter l’intérêt de l’Afrique. Alors, j’ai pris l’initiative d’y conduire une mission économique et  commerciale de 12 opérateurs économiques maliens.

Vous êtes devenu depuis, un habitué du Brésil…

Oui, plusieurs missions ont suivi, la dernière en Septembre 2022. Au-delà des affaires, je me suis pris d’une véritable passion pour ce pays proche de l’Afrique aussi bien par son climat que par sa population.

Je prépare en ce moment notre prochaine mission commerciale au Brésil, pour visiter la plus grande foire d’Agrobusiness « AGRISHOW » de ce pays du 1er au 5 mai 2023.

Comme vous le dites, l’Afrique et le Brésil son très proches géographiquement et humainement  du fait de la Traite des Noirs, et pourtant leurs échanges culturels et économiques sont faibles pour ne pas dire inexistants. Comment expliquer cette curieuse anomalie ?

A mon avis, cette situation est surtout due à la barrière linguistique, l’Afrique ne comptant que 4 ou cinq pays lusophones. Ensuite, il me semble qu’il y a très peu d’initiatives de rapprochement. Ceci, de la faute des politiciens mais peut-être aussi des historiens brésiliens et africains qui devraient se parler davantage et nous parler davantage du douloureux passé qui nous lie.

La troisième raison porte sur l’insuffisance de liens de communication aériens et maritimes. Toutefois, une simple volonté politique suffirait à relancer et dynamiser les relations multiformes entre le Brésil et l’Afrique.

L’heure est à la diversification des partenaires. Après les traditionnels forums « Commonwealth » et « France-Afrique », on voit surgir de nouveaux types de rencontres : Chine-Afrique, Russie-Afrique, Inde-Afrique, etc. A quand un sommet Brésil-Afrique ?

J’ai l’intime conviction qu’un sommet Brésil-Afrique se mettra en place avant la fin du mandat du Président LULA, au regard de l’intérêt de ce dernier pour l’Afrique, et en raison de l’accueil enthousiaste réservé par les pays africains au retour du Président LULA aux affaires.

Il faut également noter que l’ouverture de nombreuses représentations diplomatiques brésiliennes en Afrique est intervenue lors du premier mandat du Président Luiz Inácio Lula da Silva.

Au cours de vos différents voyages, avez-vous ressenti chez vos partenaires brésiliens un réel intérêt pour l’Afrique ? D’autre part, le Brésil signifie-t-il quelque chose pour les décideurs maliens ?

Oui, j’ai vraiment ressenti un réel intérêt des Brésiliens pour l’Afrique. Je dois porter à votre connaissance qu’il existe une chambre de commerce ECOWAS-BRESIL, une association privée à but non lucratif, présidée par une afro-brésilienne.

Cette association opère depuis 16 ans à l’ouverture du marché aux entreprises et institutions intéressées à réaliser des relations bilatérales entre le Brésil et l’Afrique. Cette association est d’ailleurs une structure partenaire de SESAME au Brésil.

Une autre manifestation d’intérêt des Brésiliens pour l’Afrique est l’organisation prochaine de la semaine de la mode africaine du Brésil au mois de mai prochain. Cette manifestation culturelle correspond à une forte demande des afro-brésiliens qui cherchent une identité avec un mode de vie en synergie avec leur ascendance.

Au demeurant, de nombreux brésiliens rencontrés lors de nos différentes missions sont restés en contact avec nous, cherchant la moindre opportunité pour venir en Afrique, et / ou nouer des relations de partenariat.

Le Brésil signifie beaucoup pour les décideurs maliens. J’en veux pour preuve, la qualité des programmes de coopération entre le Mali et le Brésil (agriculture, élevage, recherche dans le domaine de la production de coton, etc.)

Au cours de l’année, le gouvernement reçoit plusieurs missions de coopération. La dernière visite officielle du Premier ministre au Brésil pour participer à l’investiture du Président Luiz Inácio Lula da Silva est la consécration du grand intérêt des décideurs maliens pour le Brésil.

Le Mali était par ailleurs le seul pays de l’espace francophone représenté à cette cérémonie avec une délégation de haut niveau.

Interview réalisée par Tierno Monénembo

Source : Le Point