Mercredi 26 avril, le ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens de l’étranger, Mori-Sans-dents Kouyaté a disserté devant les conseillés du CNT (Conseil national de la transition). Au total, 48 questions sur, entre autres, la position diplomatique de la Guinée à travers le monde, la migration, la protection des Guinéens basés à l’étranger, le problème d’obtention des passeports, ont été posées au ministre. Face un feu roulant de questions, parfois de relance, devant l’organe collégial de délibération et de contrôle des actions de l’État, Morissanda Kouyaté a tenté tant bien que mal d’apporter une réponse à chaque question.

Il clame tout d’abord que bien qu’elle soit tentée par tout le monde, « la diplomatie n’est pas faite pour tout le monde, car chaque citoyen est l’ambassadeur de son pays partout où il se rend ». S’agissant de la présence de la Guinée dans les débats de la diplomatie internationale, le ministre réitère que la Guinée ne se trouve pas dans les couloirs, mais à la table de la diplomatie mondiale. «La Guinée est inscrite dans plus de 200 institutions internationales. Nous privilégions celles qui sont rentables pour nous, dans les contributions ». La Guinée devait 35 000 dollars aux Nations-Unies, mais elle n’a pas été sanctionnée même après le putsch du 5 septembre 2021, contrairement à la CEDEAO et à l’Union Africaine qui ont suspendu le pays de Mamadi Doumbouya. Selon le ministre Kou-raté, « ces sanctions n’ont pas de conséquence sur la Guinée ».

Morissanda Kouyaté s’inscrit en faux contre ceux qui affirment que la Guinée est financée par la Communauté internationale. « La diplomatie a pour rôle de faire fonctionner les Etats du monde, mais dans un respect mutuel. Les autres pays du monde viennent en Guinée, ils prennent la Bauxite, l’Or, le Fer, le Manganèse, le Diamant, etc. Ils nous donnent l’argent et c’est souvent très mal payé. Que ce soit clair, la communauté internationale ne finance pas la Guinée. »

Du branding national

Ce symbole d’identification national a fait tant de bruit en Guinée et à l’extérieur du pays. Selon lui, « les Guinéens devraient avoir autre chose à faire. Dépassionner ce sujet. Ça ne devrait pas être une source de discorde ». Pour lui, la Guinée devrait être facilement identifiable partout dans le monde à travers ce logo. Il indique que le ministère des Affaires  étrangères est le département qui a le plus de chance de faire la promotion de ce branding. Il représente la Guinée dans une grande partie des pays du monde. « Ne serait-ce qu’en affichant ce branding dans ces pays, nous avons la possibilité de montrer que nous avons un symbole de reconnaissance dans la communauté internationale ».

Protéger les Guinéens établis à l’étranger

À la question de savoir quelles sont les initiatives de son département pour assurer la protection de nos ressortissants à l’étranger notamment ceux des pays du golfe et du Moyen-Orient qui souffrent d’exploitation, le ministre promet que les Guinéens seront protégés partout où ils se rendent. Il déplore que ces Guinéens rapatrient autant de capitaux, contribuent au développement des communautés, mais n’arrivent pas à bénéficier de la protection de l’État.

Pour le cas du Soudan, le ministre rapporte que 85 Guinéens ont été recensés et ont pris le bus pour rallier l’Égypte pour être rapatriés en Guinée. Morissanda Kouyaté a profité de l’occasion pour plaider pour qu’un fond d’urgence lui soit accordé par le CNT, lors des prochaines lois des finances rectificatives, afin de mieux faire face à ces problèmes. 

Les passeports et les ambassades

Un autre sujet à polémique pour les Guinéens, c’est l’obtention du prestigieux document de voyage. Qu’ils vivent en Guinée ou ailleurs, ils se confrontent à un véritable casse-tête avant d’obtenir un passeport. Le ministre reconnaît qu’obtenir le passeport est un droit pour chaque citoyen. Pour ce qui est des Guinéens basés à l’étranger, il attire l’attention sur les tentatives de fraude. « Avant, il fallait venir jusqu’en Guinée pour s’enrôler, maintenant, ils peuvent le faire dans nos ambassades. Mais pas à plusieurs reprises. Une personne qui a plusieurs dates de naissance ne peut pas avoir notre passeport. Ils vont s’enrôler à nouveau oubliant que leurs empreintes figurent dans les machines. La sécurité est obligée de rejeter leur demande». Selon lui, plus de 2 000 personnes se retrouvent dans cette situation et cela décrédibilise la Guinée aux yeux du monde. «Néanmoins, de gros efforts ont été fournis notamment avec l’expédition de plus de 25 000 passeports à travers le monde ». Morissanda souligne que la confection des passeports ne relève pas de son ministère. Ça regarde plutôt le ministère de la Sécurité.

« Une honte pour la Guinée »

L’état piteux des ambassades et résidences de la Guinée dans plusieurs pays représente une mauvaise image pour le pays. « C’est une honte. Aux États-Unis par exemple, le pays le plus développé au monde, la situation de notre ambassade est déplorable. Au Mali voisin, la résidence de l’ambassadeur est totalement abandonnée. Même les poulets ne viennent plus pour s’alimenter, il n’y reste absolument rien. Avant le CNRD, il n’y avait que trois individus qui se partagaient tout l’argent qui arrive. Les images de ces endroits sont choquantes ».

Le ministre affirme que partout dans le monde, les domaines sur lesquels sont bâtis ces ambassades ont été achetés par le président Sékou Touré. La majeure partie a été bradée. «Il y a trois semaines, nous avons tenté de récupérer une partie de notre domaine qui a été revendue à Paris. On avait une double dette de plus de soixante millions d’euros, on n’a pas payé et la parcelle a été vendue aux enchères». En Conseil des ministres, le président du CNRD a ordonné de racheter le domaine, la Guinée paye 2,5 millions d’euros, mais n’arrive pas à le récupérer à cause d’un retard de 7 min. Un autre avait acquis la parcelle à hauteur de 2,8 millions d’euros.  Morissanda rapporte qu’en ce moment, il essaye de rentrer en contact avec cette personne, pour racheter à nouveau cette partie de l’ambassade qui a toujours appartenu à la Guinée.

Une fois encore, le Mori-Sans-dents plaide pour que le CNT lui accorde le budget nécessaire pour la construction et la rénovation des ambassades et résidences de la Guinée dans le monde. Un vaste programme.

Abdoulaye Pellel Bah