Le procès d’El Hadj Amadou Barry s’est poursuivi le 9 mai, au tribunal de première instance de Mafanco. L’audience était consacrée aux réquisitions et plaidoiries. L’imam, accusé de viol sur Djénè Kaba, mineure au moment des faits, risque gros.

Depuis le début de cette procédure judiciaire, El Hadj Amadou Barry rejette en bloc les accusations articulées contre sa personne. Il accuse des « concurrents» dans la mosquée où il officiait à Yimbaya, d’être derrière l’affaire. Il rejette aussi les conclusions du test ADN qui indiquent que la probabilité qu’il soit le père de l’enfant issu du viol est supérieure à 99,99%. Lui et ses conseils voulaient une contre-expertise, parce qu’ils ne font pas «confiance au cabinet qui a réalisé le test». Une demande rejetée par le juge Souleymane 1 Traoré. Il a clos les débats et ordonné les plaidoiries et réquisitions.

La religion, un appât

Pendant les débats, la défense a soutenu que son client n’a jamais enseigné le coran aux jeunes filles, comme le dirait Djénè Kaba. Selon eux, l’imam Barry n’aurait même pas ouvert un centre de lecture du saint Coran à Yimbaya. Il l’aurait fait dans un autre quartier. Faux, selon l’avocat de la partie civile, Me Lazare Gbillimou : «Il a trompé cette fille, a utilisé la religion pour accomplir sa sale besogne».

Circonstances aggravantes

L’avocat de la partie civile estime que les circonstances et les lieux dans lesquels le viol aurait été commis sur Djénè Kaba doivent conduire le tribunal à coller une lourde peine à l’accusé. Il en veut pour preuves le fait que l’imam Barry, en étant le maitre coranique de la victime, disposerait d’une autorité morale sur elle. Pire, il a «abusé de la fille plusieurs fois dans les vestiaires de la mosquée. Sacrilège ! Le tribunal doit être très dur à son encontre». Me Lazare Gbillimou accuse aussi la défense d’El Hadj Amadou Barry d’avoir trafiqué des messages téléphoniques, pour discréditer les résultats du test ADN : «Il conteste pour contester seulement. Le fameux Sidiki à travers lequel il aurait eu ces messages, devait témoigner. Il n’est jamais venu, parce que c’est l’employé de l’accusé. Il gère sa boutique». L’avocat révèle que ce n’est pas la première fois que l’imam soit impliqué dans de telles histoires : «C’est un habitué des faits, il a fait la même chose à deux autres familles. Les deux enfants sont aujourd’hui au collège à Kissosso. Dès que tu parles, il dit que tu veux le sortir de la mosquée». En plus d’une lourde peine, l’avocat veut que le tribunal condamne l’accusé au paiement de 5 milliards de francs guinéens, à titre de dommages et intérêts.

« Elle a été désorientée par l’imam »

Le représentant du ministère, Kanfory Ibrahima Camara, dans ses réquisitions, est revenu sur les stratagèmes utilisés, selon lui, par l’imam, pour atteindre sa cible : «La famille Kaba loge à proximité de la mosquée. Elle avait l’habitude de donner des repas aux imams pendant le ramdam. Comme c’est Djénè qui les envoyait, l’accusé l’a ciblé». Il aurait alors appelé la fille au téléphone, lui aurait proposé de lui apprendre le Coran. Djénè Kaba aurait accepté : «C’est à partir de là qu’elle a été domptée, maitrisée et désorientée psychologiquement par l’accusé. Elle refusait tout ce que sa maman lui disait». A un moment donné, ajoute Kanfory Ibrahima Camara, l’imam aurait commencé à programmer la fille les nuits : «Un jour, il lui a dit d’aller vers 23h, tout était obscur. Elle se rend à la mosquée, il lui fait des avances, elle refuse. Il tombe sur elle, la viole. Pour continuer à coucher avec elle, il lui fait miroiter un mariage». Le procureur s’insurge contre les arguments de l’accusé selon lesquelles on voulait salir son image pour l’écarter de l’imamat : «Ils sont fallacieux et sans fondement», dit-il avant de requérir 15 ans d’emprisonnement contre El Hadj Amadou Barry.

« Un parquet sans arguments »

Pour la défense d’El Hadj Amadou Barry, le parquet n’a pas réussi à confondre leur client ni pendant les débats ni pendant ses réquisitions. Maitre Paul Yomba Kourouma pense que le procureur veut faire condamner l’imam pour faire plaisir à une certaine opinion et à la partie civile : «On parle de virginité perdue, mais cette fille avait déjà une expérience sexuelle avérée… Le parquet n’a pu développer l’accusation de viol. Plus grave d’ailleurs, comment quelqu’un qui a été violenté, violé peut revenir pour refaire la même chose avec son présumé agresseur ?» Il demande au tribunal de ne pas suivre le parquet et la partie civile dans leurs demandes : «Comment peut-on condamner ce pauvre imam à 15 ans de prison et au paiement de 5 milliards de francs guinéens ? C’est déloyal. Ou bien veulent-ils qu’ils meurt en prison sans connaitre l’enfant qu’ils lui ont collé ?» Me Fodé Camara d’ajouter que l’imam Barry n’a jamais enseigné Djénè Kaba : «Il n’enseigne pas les jeunes filles».

Pour son dernier mot, l’imam réitère sa demande de contrexpertise : «Je ne serai pas contre ma condamnation, peut-être que c’est à cause de mes pêchés. Je serais libre quand mon Seigneur décidera. Mais, je suis toujours prêt à faire un autre test, dans une clinique digne de nom».

Le dossier est renvoyé au 23 mai, pour décision être rendue.

Yacine Diallo