Nous dit Pierre Dac, un accusé est cuit, quand son avocat n’est pas cru. En l’occurrence, l’avocat n’est pas cru et il a fui. Autant dire que le client est cuit. L’avocat: Me Juan Branco, franco-espagnol. Le client: Ousmane Sonko, président du parti PASTEF (les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) dissout le mois dernier par les autorités sénéga-laides.

Mais ce ne sont pas les déboires de M. Sonko qui nous intéressent ici. C’est plutôt la différence entre ce qui se passe dans «le monde libre» dont la France se réclame fièrement et la réalité sous les tropiques. En venant au Sénégal, l’avocat franco-espagnol s’attendait probablement à quelques difficultés inhérentes à son métier d’avocat. Mais pas à ce qui lui est arrivé. Car son odyssée ressemble fort à un film. Une mise en scène dont le titre pourrait être «Le pêcheur pêché».

L’avocat s’est trompé de pays et de continent. Pour défendre son client, il s’est permis un certain nombre de choses qui ont irrité les autorités sénégalaises: porter plainte contre le Président  Macky Sall depuis Paris, vouloir traîner le Sénégal devant la Cour pénarde internationale, actes et paroles tendant à vilipender un pays, ce qui est à la démocratie tropicale ce que le borgne est à l’aveugle.

Quand on va aussi loin, c’est risqué de se rendre dans ce pays. Me Branco a appris à ses dépens que le Sénégal n’est pas la France. Menacé d’arrestation, il a tenté de quitter le Sénégal, déguisé en pêcheur. A la frontière avec la Mauritanie, le pêcheur a été pêché par les forces de défense et de sécurité sénégalaises. Ramené à Dakar, l’avocat a été détenu avant d’être expulsé vers Paris. Sans doute, grâce à l’intervention des autorités françaises.  

On peut faire un parallèle entre cet épisode et ce qui se passe actuellement en France. Avec des Français d’origine africaine qui font en France exactement ce que Juan Branco a voulu faire au Sénégal. Avec la seule différence que l’avocat, lui, n’a pas la nationalité sénégalaise. Mais nous avons en France des Africains qui ont obtenu la nationalité française et qui clouent au pilori cette France qu’ils accusent de tous les péchés d’Israël. Les panafricanistes, en vogue, distillent un sentiment anti-français sur le continent noir, particulièrement dans l’espace francophone.

Paradoxal, les binationaux devraient plutôt encourager leur pays d’origine et leur pays d’adoption à devenir des partenaires privilégiés, et ils sont les premiers à se dire victimes de la politique du second.

Si la France profite de façon indue des ressources naturelles du continent, la faute en incombe aux dirigeants africains. Nullement des dirigeants de la France dont la mission est avant tout d’améliorer les conditions de vie des Français.

Dans tous les cas, l’affaire de Me Juan Branco montre que les Français ne peuvent pas faire en Afrique ce que les Africains font en France. Un pays africain, fût-il le modèle de démocratie et de l’Etat de droit, ne peut se comparer à la France. Les dernières manifestations au Sénégal ont fait près de 16 morts, pas d’enquêtes encore moins de poursuites judiciaires. Du moins, pour le moment. Au Tchad et en Guinée, les transitions ont fait des dizaines de morts. Le meurtre du jeune Nahel a secoué toute la France. Même s’il y a un bémol avec l’indifférence notée après le meurtre d’un jeune guinéen.

Certes le monde libre n’est pas sans défauts, mais l’Afrique ne l’atteint pas aux chevilles en matière de respect des droits humains. N’en déplaise aux panafricanistes mercantilistes et autres activistes de tout poil. Avant de balayer la maison du voisin, commence par la tienne.

Habib Yembering Diallo