La pirogue avait quitté le littoral sénégalais le 10 juillet avec 101 passagers à son bord, avant de faire naufrage au large du Cap-Vert lundi. Seules 38 personnes, dont quatre enfants de douze à seize ans, ont pu être sauvées.

Ils ont d’abord été « portés disparus ». Soixante-trois exilés sénégalais sont finalement considérés « présumés morts » après le naufrage de leur pirogue retrouvée lundi au large du Cap-Vert, a indiqué à l’AFP l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), mercredi 16 août. « Généralement, quand les gens sont portés disparus à la suite d’un naufrage, ils sont présumés décédés », a indiqué une porte-parole de l’OIM, Safa Msehli.

Seules 38 personnes ont pu être secourues, dont quatre enfants de douze à seize ans, a-t-elle ajouté. Les secours ont jusqu’ici retrouvé les dépouilles de sept personnes.

Selon les témoignages des rescapés, l’embarcation avait quitté la localité de Fass Boye, un village côtier situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Dakar, le 10 juillet, avec 101 passagers à son bord. Tous étaient sénégalais à l’exception d’un Bissau-Guinéen. Ils devaient naviguer en direction de l’archipel espagnol des Canaries, dans l’espoir de se rendre en Europe.

La pirogue a été repérée lundi, soit plus d’un mois après son départ, à environ 150 milles nautiques (277 km) de l’île de Sal par un navire de pêche espagnol qui a alerté les autorités cap-verdiennes. Elle semble avoir dérivé jusque dans cette zone, située à l’écart de la route des Canaries, à environ 500 km de Dakar. Il faut généralement entre quatre et sept jours pour parcourir les quelque 1 700 km qui séparent les côtes sénégalaises des îles espagnoles.

Les naufragés secourus ont été transférés mardi vers le port de Palmeira, sur l’île de Sal. Les autorités cap-verdiennes ont dit avoir mobilisé tous les moyens nécessaires pour les assister. Sept d’entre eux ont été hospitalisés après leur débarquement.

Émotion à Fass Boye

Après l’annonce du naufrage, l’émotion s’est emparée du village de Fass Boye, relate le média PressAfrik. De nombreuses familles se sont retrouvées dans les rues ou se sont rendues chez le chef du village dans le but d’obtenir des nouvelles de leurs proches disparus.

Des manifestations ont également éclaté et des scènes de violence ont eu lieu. De jeunes villageois ont pris pour cibles des édifices publics, rapporte le site sénégalais Seneweb.

La cause de ces violences ne serait autre que la passivité des autorités sénégalaises après le signalement de la disparition de la pirogue partie le 10 juillet. PressAfrik relaie le témoignage d’Arona Boye, un habitant de Fass Boye, qui explique que des familles du village, après avoir constaté l’inaction de la Marine sénégalaise, ont alerté les autorités espagnoles et marocaines, lesquelles ont procédé à de sérieuses opérations de recherche.

Samedi 12 août, une autre pirogue, partie elle aussi de Fass Boye, a sombré au large de Dakhla, dans le sud du Maroc. Ses 130 passagers, dont une femme, ont été secourus par les autorités marocaines. L’embarcation « comptait rejoindre les îles Canaries » en Espagne, a expliqué une source militaire marocaine citée par l’agence de presse marocaine MAP.

Augmentation des traversées vers les Canaries

La route migratoire des Canaries connaît ces dernières semaines un regain d’activité au départ du Sénégal et de la Gambie. En moins de trois mois, ce sont au moins 17 embarcations qui ont quitté les côtes sénégalaises, a précisé Ahmadou Bamba Fall, coordonnateur de l’ONG sénégalaise « Village du migrant ».

Parmi les causes de ces nombreux départs, les récentes tensions politiques au Sénégal et la crise économique qui ne cesse d’appauvrir la population. Privée d’espoir, la jeunesse sénégalaise rêve d’une vie meilleure en Europe.

Selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, 12 704 migrants sont arrivés de façon irrégulière en Espagne au premier semestre 2023 dont une majorité (7 213) aux Canaries. Un chiffre néanmoins en baisse de 11,35 % par rapport à la période correspondante de 2022.

Cette route est davantage empruntée ces dernières années, en raison du durcissement des contrôles en Méditerranée. C’est un périple particulièrement dangereux et les naufrages y sont fréquents. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 126 migrants sont morts ou ont disparu dans la traversée vers les Canaries au premier semestre 2023. L’ONG espagnole Caminando Fronteras avance pour sa part le chiffre de 778 morts ou disparus.

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