« S’inspirer du passé pour construire l’avenir. » La communication aura été parfaite. Le thème du 65è anniversaire de notre accession à l’indépendance se lisait partout, sur le petit écran, tout le long des festivités, sous tous les angles, sur tous les plans. Mais la facilité et l’unanimité s’arrêtent-là.

Désormais, les Guinéens ont toutes les raisons de se méfier des formules sémantiques mélodieuses, doucereuses, si faciles à mémoriser, si difficiles à appliquer. Qui parcourent le monde pour revenir leur tomber sur les bras, intactes, agréables au théoricien, casse-tête dans pour le praticien.  A l’image de celle que le Président Sékou Touré avait solennellement prononcée le 25 août 1958 à Conakry, devant son hôte de marque, le Général de Gaulle : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage. »

En 2023, le thème du 67è anniversaire de l’indépendance ne manque pas de finesse, voire de mélodie et de douceur. Bien des cactus pourraient obstruer la voie vers la réalisation. Tout simplement parce que le passé guinéen n’est pas simple, mais au pluriel : pré colonial, colonial, post colonial. Un pluriel mal assumé qui fait de la Guinée  une famille apeurée, déstabilisée,  incapable de se regarder les yeux dans les yeux  pour revisiter son histoire, la dépouiller de ses fantasmes et de ses fantaisies, l’exorciser, solder le passé avec l’objectivité  requise, loin de toute  émotion et de parti pris.

 Aujourd’hui encore, après 65 ans de souveraineté nationale pour 60 ans de colonisation, les lampadaires des uns servent de veilleuses aux autres. Traitres et héros continuent de s’imbriquer, de se confondre, de s’entrelacer. Nous divergeons sur l’essence de notre passé historique dont les diverses étapes auront été mal assumées. L’Histoire est quasi muette sur la période pré coloniale, sinon que septembre, c’est notre moi. Une seule chose parait certaine : de la défaite de Samory le 29 septembre 1898 au référendum du 28 septembre 1958, la Guinée aura  été française. Toutes les têtes sous le même casque … colonial. On a découpé des contrées entières aux ciseaux pour fabriquer une colonie. Aujourd’hui encore, on en ignore le passé. Tout le monde a manqué de quelque chose : l’Histoire, de générosité; nous, de curiosité; nos historiens, de perspicacité. Le référendum de septembre 1958 nous a trouvés dans la belle unanimité pour la liberté. Nous avons dit « non à tout esclavage.» Excepté celui  du PDG. On s’est rendu compte sur le tard qu’on s’est battus pour changer la couleur des dictateurs, les peindre en noir dans tous les sens du terme. Avec une dose exponentielle de lâcheté, on a laissé la Révolution du PDG tuer les Guinéens en masse. Sékou Touré ordonnait, mais ne pendait pas. Personne ne l’a vu commander un peloton d’exécution ni au pied d’un échafaud. Les Guinéens se sont fabriqué la liberté et le loisir de s’entre tuer à qui mieux mieux. Le Tyran est mort en héros le 26 mars 1984. C’est lâche.

A l’avènement du CMRN, une semaine plus tard, le passé n’a pu être soldé. Tout le monde avait quelque chose à se reprocher. Demandez à Facély II Mara pourquoi on lui a retiré la parole. A Bah Oury, comment sa conférence nationale souveraine a capoté. « Aux Guinéens de l’extérieur »,le poids du silence dans les événements du 22 novembre 1970 ! Sûr que pour construire l’avenir en s’inspirant du passé, le CNRD doit encore retrousser les manches un peu plus fermement.

Diallo Souleymane