La pénurie de carburant affecte toute la Guinée. Certaines régions gèrent la crise avec les moyens de bord. Les préfectures frontalières s’approvisionnent chez les voisins. Au prix de mille et une tracasseries routières.
A Mali, des jeunes traversent la frontière pour chercher la denrée rare à Kédougou (Sénégal). Selon une source locale, les autorités sénégalaises, connaissant la situation qui prévaut chez leur voisin, laissent faire. Le litre d’essence coûte 990 FCFA, soit un peu plus de 13 000 francs guinéens. Le gasoil 790 FCFA, environ 11 000 francs guinéens.
Par dizaines, les motos traversent chaque jour la frontière pour chercher le carburant à Kédougou, situé à 120 km du chef-lieu de la préfecture de Mali. Un véritable parcours du combattant. Chaque moto transporte de 7 à 12 bidons de 20 litres. A Gadha-Lougué, poste frontalier, la douane réclamerait 20 000 francs guinéens par bidon. Il y a un autre axe plus court qui passe par la montagne de Baata. Là, les gendarmes guinéens auraient érigé un barrage de fortune pour racketter. Les ripoux quittent Mali nuitamment pour aller tendre un guet-apens aux « trafiquants ». Qui se ferait attraper, doit donner un bidon de 20 litres ou son équivalent.
Cette situation n’est pas sans rappeler aux habitants de Mali un triste souvenir. Sous Sékou Tyran ceux qui traversaient cette frontière étaient abattus comme du gibier. L’ordre avait été donné par le pouvoir central. Un satrape local tenait à ce que l’odeur des cadavres parvienne au chef-lieu de la région, l’actuelle préfecture.
Devant cette situation où jeunes et agents de sécurité veulent se remplir les poches, des citoyens auraient sollicité l’intervention et l’implication du préfet de Mali. Lequel serait intervenu pour demander que cessent les tracasseries sur la route. Mais des petits malins continueraient de racketter les transporteurs du produit le plus prisé actuellement dans le pays.
Après toutes ces tracasseries sur la route, où agents et jeunes se livrent à un véritable jeu de cache-cache, les seconds parviennent à approvisionner plus ou moins correctement les différentes localités de la préfecture. Le litre d’essence est vendu entre 23 000 et 25 000 francs glissants, c’est selon le trajet et la disponibilité de la denrée. Quant au gasoil, le litre se négocie entre 15 000 et 20 000 francs guinéens.
Ce qui soulage la population et évite la pénurie des denrées de première nécessité. Car, il faut le rappeler, désormais jusqu’au dernier village de certaines préfectures de la Guinée, c’est le riz asiatique qui constitue la principale nourriture de la population. Comme Conakry, c’est le riz ou rien pour les enfants.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, cette activité est en passe de devenir très lucrative dans cette préfecture. Tout le monde se frotte les mains : les jeunes transporteurs, les agents de sécurité. Les stations-services sénégalais voient leurs chiffres d’affaires grimper de façon exponentielle.
Habib Yembering Diallo