Le 23 janvier 2024, en témoin, l’ancienne Directrice générale de l’hôpital Donka, Dr Fatou Sikhé Camara, a donné sa version des faits sur les événements du 28 septembre 2009, par devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à Kaloum.
L’ancienne directrice déclare que le premier blessé enregistré à l’hôpital Donka était le fils de l’imam de son quartier. Elle a été informée que le jeune a été blessé au stade du 28 septembre et elle a recommandé de le conduire à l’hôpital Donka. « Quelques temps après, il y a eu des mouvements, des agitations (…), ça tirait au stade. Je me suis rendue aux urgences de Donka, où les équipes médicales étaient déjà mobilisées, il y avait beaucoup de blessés en état insupportables. J’étais vraiment sidérée de me retrouver face à une véritable boucherie humaine. On a mobilisé les ressources humaines et matérielles, mais face au nombre de blessés, le stock en médicaments était insuffisant. J’ai appelé ma hiérarchie, puis le ministre de la Santé, pour leur signifier que nous avions besoin des produits pharmaceutiques. »
Fatou Sikhé Camara soutient que les 32 services et unités ont été mobilisés pour renforcer les équipes médicales des urgences. Mais, que les médecins étaient débordés. « En une journée, nous avions reçu plus de 500 blessés. Toutes les victimes avaient bénéficié de soin, la prise en charge était gratuite, sur instruction du ministère de la Santé. Les malades ont été très bien gérés », affirme Fatou Sikhé Camara qui jure que sa mission se limitait qu’à coordonner les équipes médicales et mettre à leur disposition des ressources matérielles et financières, afin d’améliorer la prise en charge des victimes.
Plus de 800 blessés
L’ancienne directrice de l’hôpital Donka dénombre 815 blessés, 728 ambulatoires, 77 personnes hospitalisées dont 6 cas de décès, 32 violences sexuelles. Selon Fatou Sikhé Camara, 34 corps avaient été déposés à la morgue de Donka. « Le nombre de blessés variait d’un jour à l’autre. Pratiquement, nous sommes restés près de trois mois pour les soins, puisque nous avions des cas des handicapés à vie (section de la moelle épinière), ainsi que des cas de paralysie. » Et de préciser que parmi les blessés, on note « 89 cas de lésions par arme à feu, 14 par arme blanche, 389 par contusion, 4 violences sexuelles, enregistrés le jour du massacre et 319 autres. Le nombre de blessés est très lourd, nous n’avions pas connu une telle gestion dans notre carrière. »
Présence des militaires à l’hôpital
Le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, veut savoir si Dr Sikhé a remarqué la présence des militaires aux alentours de l’hôpital Donka. « J’ai observé des Forces de défense et de sécurité autour de l’hôpital. Mais, en aucun moment, le traitement des blessés n’a été interrompu. Personnellement, aucun militaire ne m’a menacée », explique-t-elle. « Est-ce que la pharmacie a été détruite », interroge le Président. « Il se dit que des militaires ont menacé d’interrompre le service des pharmaciens. Mais, ils auraient refusé de se soumettre. Le travail n’a pas été interrompu. La rumeur a persisté, mais aucun médecin ne m’en a parlé. Je ne peux pas certifier cela », indique-t-elle.
Le sujet des « coups de pied » revient
Le procureur, Algassimou Diallo, demande si le ministre de la Santé d’alors Abdoulaye Chérif Diaby a donné des instructions à la Directrice de l’hôpital. « Il m’a promis de se rendre à la Pharmacie centrale de Guinée, pour des médicaments ». Me Alsény Aïssata Diallo, de la partie civile, estime que le ministre Abdoulaye Chérif Diabaty aurait donné des coups de pieds à des blessés à l’hôpital Donka. « J’en ai entendu dire, mais je n’ai pas vu », répond Fatou Sikhé Camara.
A la question de savoir si elle aurait minimisé les statistiques liées aux blessés et aux morts, elle a répondu : « Personne ne m’a donné de telles instructions ». Me Lansana Béavogui, de la défense, n’est pas convaincu que Fatou Sikhé Camara n’aurait pas été informée du meeting des leaders politique au stade à la veille du 28 septembre et que l’hôpital Donka non plus n’aurait pas été alerté. « D’habitude, on nous alerte des rassemblements, mais cette fois, on n’a pas été informée », tranche-t-elle.
Au moment où nous allions sous presse, Dr Fatou Sikhé Camara répondait aux questions de la défense.
Yaya Doumbouya