« Sisyphe est un personnage de la Mythologie grecque, condamné par Zeus (Dieu suprême) à rouler perpétuellement un énorme rocher jusqu’en haut d’une montagne d’où il retombait sans cesse. » D’où le travail de Sisyphe qui se défait et sans cesse recommence.
Le destin de certaines politiques sectorielles de développement nous rappelle le mythe de Sisyphe. Parmi ces politiques, on peut citer les stratégies de développement de l’agriculture élaborées et mises en œuvre depuis la Révolution. A présent, on assiste à la tenue de débats généraux par régions naturelles qui visent, à terme, l’organisation, à l’échelle nationale du même cénacle, formuler une énième politique de développement agricole. Voyons, voyons ! Revisitons la brève histoire de la dynamique de l’agriculture dans son rôle de levier du développement humain durable du pays. La Révolution, consciente de la nécessité d’assurer à la Guinée la souveraineté agricole sur laquelle repose l’autosuffisance comme la sécurité alimentaire, multiplie les initiatives dont certaines sont tout bonnement cosmétiques, ubuesques, telles que la dotation de chaque PRL (Pouvoir révolutionnaire local) d’un tracteur agricole. Dépourvues de formation adéquate pour l’utilisation efficace de ces équipements, ces structures en font des moyens de transport entre les villages, notamment le jour des marchés forains. On reste alors bien loin des ambitions agricoles envisagées. La montagne accouche d’une souris ! La stratégie est inappropriée, inefficace.
Résultats mitigés
Concomitamment, des campagnes agricoles, au cours desquelles les élèves et les étudiants ont été éparpillés à travers les zones rurales pour maintenir et renforcer leurs rapports avec la paysannerie, ont été organisées. Les FAPA (Fermes agropastorales d’arrondissement) ont été mises en place partout dans le pays. Là, résultats mitigés.
L’échec des politiques agricoles de la Révolution se reflète dans la pratique des normes, obligeant la paysannerie de nourrir les fonctionnaires, les commerçants et autres parasites des zones urbaines.
En 1984, Sékou Touré meurt, la Révolution s’estompe. Une nouvelle page politique, économique, sociale et culturelle s’ouvre. Les pratiques socialo-communistes et collectivistes disparaissent, au profit des initiatives privées portées par les théories capitalistes. Le diagnostic montre que l’économie agricole souffre moult maux, va très mal. Les cultures vivrières sont à la peine. Les cultures de rente ont quasiment disparu. De l’opulente production bananière de l’époque coloniale, il ne reste presque plus rien. Dans l’urgence, une nouvelle politique de développement agricole est élaborée, au milieu des années 90, avec l’appui du PNUD et de la FAO. Sa mise en œuvre a requis l’intervention de l’Etat et de nombreux partenaires techniques et financiers : Banque mondiale, FIDA, FAO, PNUD, etc. Cette première version a subi, par la suite, des révisions pour l’améliorer. Lors du processus d’élaboration de la politique, les consultants relèvent d’intéressantes réflexions qui n’ont malheureusement pas été prises en comptes jusqu’à présent. Un paysan de la Moyenne-Guinée avait eu cette observation géniale : « Tant que nous continuerons à cultiver avec les outils aléatoires (coupe-coupe, daba) nous ne produirons pas suffisamment pour dégager un surplus à commercialiser et avoir des numéraires en épargne. »
D’autres avaient suggéré la construction de petites unités de conservation et/ou de transformation pour booster la production agricole et les petits producteurs. A entendre certaines recommandations des actuels états généraux, on se croirait dans les années 90. La faute à la formation approximative de la masse critique du capital humain et à la corruption endémique ?
Abraham Kayoko Doré