L’état dans lequel se trouvait le président sortant des États-Unis, jeudi 27 juin, est un cadeau inespéré pour son tristement célèbre prédécesseur et adversaire. L’option d’un retrait serait un service à son peuple et à l’humanité. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité.
Joe Biden, qui s’embrouille dans ses réponses, mais refuse obstinément d’accepter que ses forces l’abandonnent, au point d’offrir les clés de la Maison Blanche à un Donald Trump incapable d’accepter une défaite électorale, et qui, à coups d’affirmations fantaisistes, prend de surprenantes libertés avec la vérité. Tel était le décor du premier débat de la présidentielle de novembre prochain, aux États-Unis. Quels signaux reçoit ainsi l’Afrique de la démocratie américaine ?
Depuis que Donald Trump a lâché ses partisans à l’assaut du Capitol, en janvier 2021, la démocratie américaine a cessé d’impressionner en Afrique. Trump a même failli rabaisser les États-Unis au rang de ces républiques bananières que lui-même méprise tant. Il n’empêche. Bien des tares, que l’on déplore régulièrement dans la vie politique, en Afrique, ne paraissent plus improbables, en Amérique ou dans certaines grandes démocraties. Ainsi, lorsque Joe Biden, manifestement diminué, sans plus assez de lucidité pour admettre qu’il serait peut-être temps pour lui de passer la main, certains, en Afrique, se demandent ce qui le différencie de Robert Mugabe, même s’ils n’ont rien en commun, dans la pratique du pouvoir. Quant à Donald Trump, qu’aurait l’aplomb avec lequel il assène les approximations à envier à certains despotes d’Afrique ou d’ailleurs ?
Le pire, ici, est que Biden, inconsciemment, est en train de faciliter le retour de Trump à la Maison Blanche. Ce serait l’ultime preuve que très peu de démocraties, aujourd’hui, sont à l’abri d’un recul brutal. Surtout dans un monde où nombre d’électeurs, d’insatisfactions en déceptions dues aux politiciens, n’hésitent plus à faire, quand bon leur semble, un usage capricieux de leur bulletin de vote.
Aux États-Unis, au moins, certains leaders amis de Biden disent tout haut qu’il serait bon qu’il s’éclipse…
Mais, comme en Afrique, il est aussi des partisans ou courtisans qui n’osent pas dire la vérité à ce leader qui sombre dans un naufrage évident. Par tendresse ou par calcul, certains tentent de faire croire qu’il pourrait, demain, retrouver la vigueur qu’il faut pour rassurer les Américains. Et pourtant, à vue d’œil, celle-ci l’abandonne, de jour en jour. C’est comme cela qu’en Afrique, des dirigeants fatigués, sinon finis, s’accrochent, envers et contre tout. Certes, aux États-Unis, les institutions fonctionnent. Mais les questionnements qui découlent du débat de ce jeudi n’interpellent pas que le présent. C’est aussi, surtout l’avenir qui est en cause. Et l’on imagine comment Joe Biden pourrait, durant les quatre prochaines années, retrouver la vigueur qui semble l’abandonner jour après jour. Après tout, aux États-Unis, le président de la République est d’abord le commandant en chef des armées. Convenir qu’il est durablement diminué n’est pas de la malveillance, mais juste ne pas parier sur l’incertitude, par rapport aux charges de leader du monde libre.
Et c’est ici que ce qui peut être considéré comme un problème typiquement américain devient une source de cauchemars pour la planète. Dans son déni de tout, Donald Trump a laissé croire que Biden était en train de précipiter l’humanité vers une troisième guerre mondiale. Et si c’était lui-même, au cas où il retournerait à la Maison Blanche ? Joe Biden, en cédant la place à un candidat plus solide, rendrait un service à son peuple, et à la terre entière, dans un monde guetté par tant de dangers.
Barack Obama a pourtant fait valoir que les débats décevants font partie de la vie politique.
Un débat voulu et longuement préparé par Biden. Ses propres médecins ne peuvent assurer que le naufrage du temps l’épargnera moins au fil de la campagne. Ni même si l’un et l’autre arriveront à l’élection. Se convaincre qu’il y aura des jours meilleurs, c’est se mentir. Et c’est au nom de tous que parlent tous ceux qui demandent aux démocrates de se trouver un candidat plus convaincant. Et s’il avait le courage de l’accepter, Joe Biden pourrait entrer dans l’Histoire, comme y est entré, pour toujours, Lyndon Baines Johnson, en renonçant à un second mandat qui aurait mis le parti en lambeaux. Les Américains, aujourd’hui encore, considèrent « LBJ » comme un des plus grands présidents de l’histoire des États-Unis d’Amérique. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité.
À Joe Biden, comme à Donald Trumps, on a envie de dédier ces quelques injonctions, tirées de l’hymne de l’Empire du Wassoulou, dans l’actuel Mali : « Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères, fais appel aux hommes plus valeureux ».
Par Jean-Baptiste Placca, Rfi