Le samedi 6 juillet, l’Alliance des Etats du Sahel, constituée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, après leur départ de la CEDEAO, est érigée en Confédération des Etats du Sahel (CES). Les Etats membres envisagent la formation d’une union politique, économique et monétaire à trois. Vu le contexte sécuritaire, politique, économique, monétaire et régional actuel on reste perplexe et dubitatif sur la probabilité de réussite de cette initiative.
On sait que ces trois Etats sahéliens sont confrontés à d’énormes défis sécuritaires depuis plus d’une décennie. La rébellion de l’Azawad est aussi vieille que la République du Mali. En 2012-2013, des groupes djihadistes, à partir notamment d’Algérie, envahissent le nord et le centre du Mali et s’emparent des principales villes dont certaines (Tombouctou, Gao, Djenné) sont chargées d’épopées, de culture et de civilisation ancestrales. Ils détruisent des monuments séculaires et volent de nombreuses reliques de grande valeur historique. L’appui de l’armée française permettra de les bouter hors de ces grandes agglomérations. Mais de nombreux groupes djihadistes de différentes obédiences continuent d’écumer le Mali.
La brouille avec la France et l’intervention de la Russie et de Wagner n’arrêtent pas ces mouvements dévastateurs qui ébranlent aussi les pouvoirs au Niger et au Burkina Faso. La situation sécuritaire de ces trois pays est particulièrement préoccupante et crève les faibles ressources que génère l’économie. Sur le plan politique, l’égo surdimensionné des autorités de ces pays a entraîné des difficultés de coexistence conviviale. Tous les trois ont des relations très compliquées avec l’Union africaine, l’Union européenne et les Etats-Unis. Ils font de la France le bouc émissaire de toutes les difficultés qui les assaillent.
La posture des trois juntes est ambivalente. Tout en se proclamant panafricanistes purs et durs, ils tournent dos à une organisation qui est solide, qui est un jalon et un fleuron du panafricanisme pour préserver leurs avantages et privilèges. Sinon, pourquoi au Mali et au Burkina Faso, a-t-on complètement bâillonné les partis politiques, la société civile, notamment les syndicats et la presse ? Dans ces deux pays, les arrestations sont régulières et les enlèvements désormais monnaie courante. Lorsqu’on sait que le Mali et le Burkina Faso sont deux pays riches d’une longue tradition démocratique et de liberté d’expression, on convient que les peuples finiront par secouer leur joug. Qu’auraient choisi ces peuples si la question de demeurer ou non au sein de la CEDEAO avait été posée lors d’un référendum comme dans le cas du Brexit, au Royaume-Uni ? Abraham Lincoln ne disait-il pas : « On peut tromper une partie du peuple tout le temps, tout le peuple une partie du temps, mais jamais tout le peuple tout le temps. »
Leur départ de la CEDEAO les prive de nombreux privilèges (libre circulation des personnes et des biens) à travers l’espace de la CEDEAO, facilités d’entreprendre des affaires, etc.). Désormais, des visas seront exigés de leurs citoyens avant l’entrée dans les pays voisins. Les biens marchands devront, pour leur part, subir la rigueur du cordon douanier de ces Etats. Ils vont perdre les avantages certains d’un important marché de 400 millions d’opérateurs. Leurs économies ne bénéficieront plus des crédits communautaires. L’utilisation des ports d’Abidjan, de Lomé, Accra, Cotonou et Lagos est la plus avantageuse.
Les relations exécrables que les trois Etats membres de la nouvelle organisation ont développées avec leurs traditionnels partenaires politiques, économiques et culturels fragilisent et rendent hasardeuse leur entreprise, qui résistera difficilement aux chocs de tous ordres qui secouent actuellement le monde.
Abraham Kayoko Doré