Alors que de nombreuses spéculations circulent sur les circonstances de l’arrestation de Claude Pivi, son lieu de détention et la situation de son fils Verny, le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des droits de l’homme, s’est confié à notre rédaction. Yaya Kairaba Kaba réagit également aux informations selon lesquelles les services de sécurité libériens auraient déjoué un complot ourdi contre Conakry, avec la complicité de l’ancien président Alpha Condé.

Le Lynx: Comment avez-vous réagi à l’arrestation de Claude Pivi ?

Yaya Kairaba Kaba: Nous n’avons pas eu d’autre réaction que la satisfaction que le département de la Justice que je dirige aujourd’hui marque par rapport à la réussite de l’interpellation, de l’arrestation de monsieur Claude Pivi qui est sorti du territoire national dans les conditions que vous connaissez alors qu’il était poursuivi par la justice guinéenne, en plein procès dans le cadre des événements du 28 septembre 2009. C’était à la faveur de l’intervention surprise d’un commando. Il a réussi à s’extraire de la prison et prendre la cavale.
Cela a été aussi un événement que tout le monde a suivi, particulièrement vous la presse.

Pourriez-vous nous expliquer les circonstances de son interpellation ? Comment la collaboration a marché entre la Guinée et le Liberia, si vous confirmez bien sûr qu’il y a été interpellé ?

Effectivement, il a été interpellé sur le territoire libérien. Lorsqu’un citoyen qui est poursuivi par les lois nationales se soustrait de la justice de son pays pour se retrouver dans un autre pays étranger, il y a des possibilités pour le faire venir. Dans le cas spécifique de Claude Pivi, dès qu’il a pris la fuite, des mesures ont été prises par la justice, notamment à travers la délivrance et la diffusion d’un mandat international.

La première possibilité pour faire venir quelqu’un lorsqu’il est retrouvé et arrêté, c’est l’extradition. C’est une formalité judiciaire qui prend quelque temps, parce qu’il y a un formalisme très exigeant qu’il faut accomplir.
Étant dans l’urgence, la loi prévoit une autre méthode qui vous fera gagner beaucoup de temps: c’est la coopération policière. La remise de police à police offre l’avantage de satisfaire à l’urgence et dans une l’égalité parfaite. C’est cette seconde voie qui a été utilisée. Dès que Claude Pivi a été interpellé par les autorités libériennes, nous avons actionné à travers le Parquet général et la police internationale, Interpol, à l’effet de procéder à cette remise de police à police.

Confirmez-vous qu’il a été arrêté le 17 septembre comme cela a été relayé par la presse ?

Oui effectivement, je confirme qu’il a été arrêté le mardi 17 septembre 2024, précisément dans un village frontalier situé quand-même dans le territoire libérien.

Seul ou accompagné d’autres personnes ?

Effectivement, il y a une certaine confusion distillée dans l’opinion nationale et internationale. La photo de Pivi a circulé en état d’arrestation, avec à ses côtés une autre personne. Sans chercher à comprendre, l’on a fait circuler l’information selon laquelle il aurait été arrêté avec son fils.
Seulement je précise, sur la photo, il est avec une personne de sexe masculin. Un homme accompli. Mais qui n’est pas son fils. Il a été arrêté avec celui-ci, parce que selon les informations qui nous sont pas revenues, c’est l’un des complices de Pivi, qui a facilité son hébergement sur le territoire libérien. Il était en parfaite connexion avec lui dans tous ses mouvements.
Je confirme alors que ce n’était pas son fils qui est toujours en cavale et qui est aussi recherché.

Est-ce que le compagnon de Claude Pivi a été identifié ? Serait-ce un Guinéen ?

Tous ces détails seront satisfaits à temps opportun, puisque désormais Claude Pivi est entre les mains de la justice guinéenne.

Néanmoins, tous les deux sont extradés ?

Toutes les deux personnes ont été remises par la coopération policière et sont effectivement chez nous, en Guinée.

Dans un communiqué, vous disiez que Pivi a été ramené dans sa cellule à la Maison centrale de Conakry.

Il n’a pas été ramené à la Maison centrale. Pour votre information, je suis ministre de la Justice, mais également ministre des droits de l’homme. Et je veille pour le respect absolu des droits de tous les citoyens en conflit avec la loi. C’est pour cette raison qu’il a été décidé que Claude Pivi soit d’abord à la Maison d’arrêt de Coyah, un édifice flambant neuf. Je viens de procéder à la réception technique de l’édifice qui recèle en son sein toutes les commodités conforme aux standards d’une prison moderne.

Il se trouve dans une cellule spacieuse, aérée, avec un une toilette interne conforme aux normes requises et dans une salubrité absolue. Et dès son entrée, puisque il se plaint d’être malade, il a exibé une blessure qu’il a. On le sait diabétique. Tout de suite des mesures sanitaires ont été prises. Il a été examiné par un médecin, a reçu les premiers soins. Et les médicaments ne font pas défaut. La nourriture convenable à son régime également a été déterminée.
Il est là tout juste pour subire les rigueurs de la loi. N’oubliez pas qu’à l’issue du procès du 28 septembre, Pivi a écopé de la plus grande peine prévue dans l’échelle des peines du Code pénal guinéen.

Sera-t-il par la suite ramené à la Maison centrale de Conakry qui a connu aussi des travaux de rénovation ?

La Maison d’arrêt de Coyah est une prison; la Maison centrale de Conakry est une prison. Il y a pas de distinction à en faire, dès l’instant que le souci du respect des droits de l’homme est là.

Sera-t-il en outre jugé pour des faits liés à son évasion ? Quel sera son avenir judiciaire au-delà de sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 ?

Les magistrats en charge du dossier détermineront la conduite à suivre en la matière. Je crois qu’il sera en contact avec les juges qui vont réellement examiner cette situation nouvelle par rapport à sa condamnation. Dans le cumul des peines, c’est la peine la plus élevée qui est appliquée. Les magistrats connaissent les conséquences à en tirer.

On a appris également que les autorités libériennes auraient déjoué une tentative de coup d’État visant Conakry. On parle d’un certain Ibrahim Khalil Chérif, de la complcicité de l’ancien président monsieur Alpha Condé. Est-ce que tout cela est en lien avec l’arrestation de Claude Pivi ?

Je ne veux pas m’aventurer sur un terrain que je ne maîtrise pas. Je n’ai personnellement pas eu cette information. Au moment où nous échangons, je ne suis pas informé de cette situation et je peux même dire que vous êtes le premier à la porter à ma connaissance.

Interview réalisée par
Diawo Labboyah