Le dimanche 15 septembre, jour pour jour, l’Alliance des Etats du Sahel a eu un an. Par dépit, elle a été constituée par les juntes malienne, burkinabé et nigérienne qui, n’en pouvant plus de subir le poids des sanctions de la CEDEAO et obnubilés par un nationalisme qui frisent la xénophobie, préfèrent sans trop de calculs, cette aventure. Apparemment, les gains et les pertes de leur départ de la CEDEAO n’ont pas fait l’objet de longues et profondes réflexions. Le dénominateur commun entre Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré inclut la problématique sécuritaire, leur condition de putschistes et les sanctions de la CEDEAO.
La mésentente entre l’Organisation régionale et les putschistes militaires dont découlent les sanctions est généralement liée à la durée de la transition que les auteurs des coups d’Etat désirent prolonger à souhait. Face à l’hostilité de la CEDEAO dont on sait l’indulgence coupable à l’égard des putschistes constitutionnels, les trois Etats décident de mutualiser leurs moyens de lutte contre le terrorisme, de renforcer leur coopération économique et diplomatique. Dans cette perspective, ils créent l’Alliance des Etats du Sahel. Qu’ont-ils fait depuis une année au regard de leurs prétentions ? Rapidement, l’Alliance est devenue une Confédération. S’agissant de la coopération militaire, on n’a pas vu beaucoup de choses. Peut-être que les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts. Interrogez les militaires burkinabé, leurs supplétifs (jeunes villageois enrôlés de gré ou de force) et les pauvres paysans, et vous saurez ce qu’il en est. C’est par dizaines qu’hommes, femmes et enfants continuent de mourir au Mali et au Pays des hommes intègres, depuis des années. Les putschistes n’ont pas encore réussi à stopper cette hémorragie, cette folie meurtrière. A Tinzawaten, à Kidal et le dimanche dernier, à Bamako, les forces armées du Niger et Burkina ont cruellement manqué aux FAMA et Wagner. Tout comme les Maliens et les Nigériens n’ont pas encore accouru au secours des Burkinabés régulièrement trucidés en masse. Ils s’y préparent certainement. Quid du renforcement de la coopération monétaire et économique ? Si la mutualisation des moyens de lutte contre les djihadistes et les terroristes de tout acabit n’a pas jusque-là enregistré d’avancées notables, l’intégration économique, monétaire et commerciale demeure un challenge considérable.
Les trois Etats étaient, sont encore membres de deux espaces politico-économiques importants dont la solidité, l’expérience et les performances sont avérées, en l’occurrence la CEDEAO et l’UEMOA. La CEDEAO est un vaste espace d’échanges qui offre à ses quinze (15) membres des avantages certains (la libre circulation des biens et des personnes, le passeport commun, la solidarité diplomatique active et agissante). Quant à l’UEMOA, c’est un important marché monétaire et financier fonctionnel jouissant de plusieurs décennies de pratique de la zone CFA.
En abandonnant ces précieux outils communautaires auxquels se sont habitués leurs peuples, ils s’obligent à en structurer de nouveaux au sein de la confédération pour la rendre opérationnelle et efficace. Sans être rédhibitoire, la tâche est chimérique. Et pour tout compliquer, les trois compères Assimi, Tiani et Traoré, commandent des pays qui sont tous continentaux et dont l’essentiel des exportations et des importations est soumis aux caprices des ports de Lagos, Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan, Conakry et Dakar, villes de la CEDEAO. Quelles affres en perspective ! Une preuve des difficultés qui attendent la nouvelle confédération est que ses membres continuent de quémander des avantages du marché financier de l’UEMOA. Ils y ont encore recours à des emprunts pour financer leur développement. Le principe de la solidarité diplomatique oblige les deux autres Etats à faire chorus avec celui dont les intérêts ont subi un préjudice politique, économique, culturel, de nature morale ou matérielle pour le soutenir dans sa revendication de réparation. Assimi, Tiani et Traoré ont justifié leurs coups d’Etat respectifs par une situation sécuritaire périlleuse et une gouvernance peu vertueuse auxquelles ils se sont engagés à mettre fin. En matière de sécurité, le pari est loin d’être gagné.
Abraham Kayoko Doré